Miss Recuerdo (21 Av. Max. R.)
Exposition en duo de Grichka Commaret et Tohé Commaret
Commissaire : Elsa Vettier
Tohé Commaret est vidéaste ; son frère Grichka, peintre. Tous·tes deux ont grandi dans les années 1990 au 21 avenue Maximilien Robespierre à Vitry-sur-Seine. La dalle, ses tours, ses halls, corridors, ascenseurs et paliers forment les méandres concrets et hallucinés que leurs œuvres respectives ne cessent de parcourir et de reconfigurer. Dans un registre documentaire et fictif, Tohé Commaret filme cet espace matriciel à travers les yeux ou sur l’épaule de ses personnages, souvent entre deux âges. En mouvement ou en boucle, ils et elles cherchent des brèches, des conduits dérobés pour raconter et rêver leur trajectoire. Les peintures à l’aérographe de Grichka Commaret, elles, compressent ces paysages dans de petits formats – rarement plus hauts et larges qu’une trentaine de centimètres. Elles sont des fenêtres ouvertes sur un inconscient urbain : à la lueur de réverbères cosmiques, l’implacable géométrie des immeubles s’agglomère aux silhouettes qui les hantent. Par l’intermédiaire de motifs partagés, les films de la sœur et les peintures du frère semblent parfois communiquer en secret : sur la toile une bouche s’approche du halo d’un lampadaire, à l’écran une fille mange de la lumière ; un œil peint à l’acrylique s’ouvre, dans le film sa pupille est rouge ; des chiffres se succèdent tandis que l’ascenseur grimpe vers les étages 8… 9…11… 25…
Conçue comme une conversation entre leurs travaux respectifs, l’exposition « Miss Recuerdo » intervient à l’occasion de la réalisation de leur premier film commun, Palma, et en présente deux extraits. Tourné sur cette même dalle de Vitry-sur-Seine, le film sonde une disparition : celle de Malo, figure populaire du quartier partie en laissant derrière elle un message énigmatique. À l’instar des films de Tohé et des peintures de Grichka, la fiction s’empare d’objets mémoriels déformés par le temps, les changements d’échelle, les rapports d’ascendant et les mutations de l’âge. Clin d’œil à Amarcord, titre de la rêverie autobiographique de Federico Fellini qui, dans une compression approximative de l’italien, signifie « je me souviens », « Miss Recuerdo » invoque et invente, en spanglish, des souvenirs parcellaires, des silhouettes évaporées, des espoirs enfouis.
Elsa Vettier
Commissaire de l'exposition