EVAN GILBERT BETWEEN FOSSIL AND GHOST
A personal exhibition by Evan Gilbert.
Archiver ou créer une archive avec des images et des motifs revient à indexer un registre émotionnel. Un geste qui induit le désir. La division, la réorganisation et la réflexion d’un pastiche d’œuvre d’art historique sont des moyens de pervertir l’archive. L’ambition est de créer la possibilité d’une nouvelle narration non-linéaire et d’un registre émotionnel hybride.
L’idée de refléter ou de diviser le soi est partie intégrante de cet ensemble de peintures. Dans toutes les œuvres, les figures représentées semblent à la fois présentes et sans formes, anciennes et apparitions d’un temps à venir. Leurs corps sont ouverts et se fondent dans leur environnement immédiat comme s’ils faisaient partie d’un seul et même organisme. Les figures sont divisées en deux, se reflètent et communiquent entre elles. Il est difficile de distinguer celles qui sont des illusions de celles qui sont concrètes. Leurs formes gestuelles, éclatantes et liquides représentent le dédoublement de soi en une sorte d’index visuel de marques, conçue à partir d’un langage visuel. Dans cette fracture de la forme humaine, le corps devient dément, une fissure dans l’interaction de la raison avec la consommation et le traitement de l’information. C’est cela qui semble entraîner une démence collective parmi les personnages représentés.
Est-ce le passé, le présent ou le futur? Cette fissure produit une fracture qui n’affecte pas seulement le temps, mais aussi le langage et l’interprétation des signes. Les figures et les scénarios représentés – s’ils sont descriptifs – ne proposent pas un récit linéaire, ni ne donnent une vision complète de la moralité ou des intentions de chaque personnage, mais ils sont plutôt ouverts à l’interprétation.
Le processus de création de ces œuvres est un autre miroir de leur contenu. L’objet d’art comme résidu chargé de lumière issue de son processus de production, devient une négation de la forme parfaite et complète. Les figures et les espaces sont effacés, repeints, grattés ou supprimés ; présence et absence ont un poids égal. L’iconographie elle-même est un collage de différentes sources depuis les motifs de peinture classique aux symboles autoritaires/spiritualistes, en passant par l’imagerie des comics. Tous fonctionnent sur le même plan, sans hiérarchie de valeurs. Leurs attraits et leurs relations viennent de leurs points de friction et de la porosité qu’ils entretiennent non seulement les uns aux autres, mais aussi au spectateur. Cette hybridation des images et la perte d’informations qui découle de leur assemblage deviennent un code secret informant l’ensemble des œuvres.
Comme le Golem qui hantait les rêves des anciens kabbalistes ou les bâtiments en ruine dans la littérature
gothique, l’espace émotionnel créé par la narration d’une histoire est la fonction centrale du récit, la spécificité du langage génère un espace qui dépasse le terme littéral qui donne davantage de profondeur au sens et à l’intention du travail qu’une définition directe. De la même manière, l’image descriptive n’a pas la même valeur vis-à-vis de l’ensemble de ses spectateurs.