Ils seront capables de voir les obstacles et de les contourner
Exposition personnelle de Virginie Yassef.
« Réservant au peintre la tâche sévère et contrôlable de commencer les tableaux, attribuons au spectateur le rôle avantageux, commode et gentiment comique de les achever par sa méditation ou son rêve ». Félix Fénéon, anarchiste, critique d’art, de littérature et de théâtre, défenseur de la théorie des couleurs de Charles Henry, auteur d’Harmonies de formes et de couleurs en 1891, pourrait être le parrain de la nouvelle exposition de Virginie Yassef, Ils seront capables de voir les obstacles et de les contourner. De son mode de travail, Virginie dit : « Il y a d’abord cette vision qui est très solitaire. Je vois ce que je veux faire, et à ce momentlà je suis dans une position de spectatrice ».
Mais plus encore, elle veut que le public réapprenne à être attentif au monde qui l’entoure et redevienne spectateur et non plus simplement regardeur. Et pour cela, comme le préconise Fénéon, elle place au cœur de son œuvre l’onirisme et la suspension, obligeant celui qui voit à aller au-delà du phénomène physique. Dans cette optique, et depuis plus de deux ans, Virginie Yassef s’était concentrée sur l’ouïe et dans le cadre du programme New Settings de la fondation d’entreprise Hermès avait imaginé une adaptation en plusieurs temps de la pièce de Ray Bradbury La Savane (The Veldt), à la Criée centre d’art contemporain de Rennes, au Centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson et au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Mais déjà était en gestation l’exploration d’un autre univers sensoriel et pour sa nouvelle exposition à la galerie (la cinquième depuis 2001), c’est au sens de la vision qu’elle se consacre. Une vision qu’elle explore, décortique, dissèque pour la transcender. Et pour cela, elle a lentement et patiemment collecté, rassemblé, collectionné. Elle a collectionné les mots, les phrases, que depuis des années elle repère dans les pages du journal Le Monde et qui lui servent d’ébauches de scénarii :« Ils sont capables de voir les obstacles et de les contourner », « Dépourvus de paupières, les poissons sont tenus en éveil par la lumière », « Les bâtonnets sont les photorécepteurs qui permettent la vision crépusculaire et nocturne, alors que la vision diurne et colorée implique la participation d’autres photorécepteurs, les cônes ». « Réservant au peintre la tâche sévère et contrôlable de commencer les tableaux, attribuons au spectateur le rôle avantageux, commode et gentiment comique de les achever par sa méditation ou son rêve ». Félix Fénéon, anarchiste, critique d’art, de littérature et de théâtre, défenseur de la théorie des couleurs de Charles Henry, auteur d’Harmonies de formes et de couleurs en 1891, pourrait être le parrain de la nouvelle exposition de Virginie Yassef, Ils seront capables de voir les obstacles et de les contourner. De son mode de travail, Virginie dit : « Il y a d’abord cette vision qui est très solitaire. Je vois ce que je veux faire, et à ce moment là je suis dans une position de spectatrice ». Elle a collectionné les couleurs, et sa table de travail se couvre de nuanciers, de feutres aux mille nuances, de petites palettes d’aquarelliste reprenant l’organisation du cercle chromatique cher aux pointillistes. Elle a collectionné les images, tels ces rushes d’un palmier ondulant lentement, coloré par des gélatines telles qu’en utilisent les éclairagistes de théâtre; placées devant l’objectif, elles palpitent au gré des alizés et font naître un film langoureusement psychédélique. Telles aussi ces anatomies d’yeux qu’elle dessine pour un livre pour enfant publié par le MacVal et que pour l’exposition, elle décline en grandes lithographies aux couleurs majestueuses sur les anciennes presses de l’imprimeur Mourlot dans les ateliers d’Idem. Elle a collectionné enfin les équilibres instables, les mouvements étranges, les chutes et les tournoiements psychédéliques de planches, d’œil de caméléon, de pattes de tortues… Série de nouvelles sculptures-objets qui plus que les simples accessoires d’un décor de théâtre ou d’une fête foraine, deviennent les personnages qui habitent les recoins du 33 rue de Seine et rendent les spectateurs capables de voir les obstacles et de les contourner, ou les contempler !