Dialogues ...
Artistes : Shahar Yahalom, Iris Levasseur et Coraline de Chiara.
La Galerie Odile Ouizeman est heureuse de vous inviter à découvrir les œuvres de 3 artistes attentives à notre monde contemporain et qui interrogent la notion de vestige.
Dérivé de vestigare, le vestige est une invitation à « suivre à la trace ». Une trace qui par essence nous échappe, une présence sensible évoquant la nécessité de ne pas oublier certains aspects essentiels de notre existence, la fragilité humaine, sa vulnérabilité. Dans cette exposition, le vestige oscille entre le visible et l’invisible. S’agit-il d’un engagement à retrouver les images de civilisations enfouies dans nos mémoires ? Les œuvres de Shahar Yahalom, Iris Levasseur et Coraline de Chiara nous invitent avec force et vigueur, à parcourir une histoire dont les images entrent souvent en collision temporelle. Utilisant le dessin, la peinture, la sculpture ou la vidéo, elles produisent des figures dont la puissance suffit à secouer le filtre anarchique de nos mémoires. Leur matérialité permet alors à notre regard de s’éveiller, de s’émerveiller aussi, sans être mobilisé vers une simple séduction des images. La radicalité est en effet un point commun à ces trois artistes qui montrent la nécessité de faire face au réel. Les interventions qu’elles pratiquent sur la matière sont alors effectuées avec une énergie contaminante. Dans l’œuvre de Coraline de Chiara, La joueuse d’osselets, un papier déchiré vient barrer l’image d’une sculpture classique peinte en harmonie de lignes et de lumière. Une rupture qui de nouveau trompe l’œil, questionne l’image, son actualité au regard du collage mais aussi d’autres problématiques souvent posées par le médium photographique. L’artiste établit ainsi une fracture qui au final révèle un fragile vestige. « Au fil des œuvres, Coraline de Chiara construit un paysage transculturel au sein duquel elle articule une pluralité de figures, mythologiques et anonymes, de matériaux et de motifs. Un paysage, une nouvelle géographie dont la carte se déplie à l’infini.»(1) Iris Levasseur récolte depuis plusieurs années des images d’actualité qu’elle assemble et redessine. Une série de dessins et de peintures est née de cette nécessité de parler d’un monde en proie à la destruction. Vestiges, Souches, au Bon souvenir, Champs de batailles sont autant de propositions pour réanimer la mémoire collective et la vie. « L’œuvre repousse la mort qui s’étale dans l’indifférence. » dit-elle. « De longue date attentive aux arts anciens de la Mésopotamie, elle les fait réapparaître par fragments, alors qu’ils sont menacés par destructions et pillages. Parmi ces fantômes, elle glisse des allégories animales de la souffrance, chat et hyène mutilés, et des oiseaux, qui sont à peu près les seules créatures dont les migrations ne soient pas encore interdites à travers la Méditerranée. » (2) Black Cat de Shahar Yahalom est une sculpture qui semble surgir de la matière pour capter le regard comme peut le faire un fossile. La transparence du verre approche la blancheur du plâtre. De ce contact il semble naître une vibration, une présence manifeste, il y a bien la trace d’un geste, une griffure dans la matière, car la vie y est peut-être piégée ? En devenant éternel, le chat noir se transforme en blanc, en effet, les sculptures de l’artiste flirtent avec l’étrange. L’incertitude opère, une oscillation entre un corps animé ou inanimé ? Tout semble provoquer le désir d’un contact physique. La sculpture pourrait-elle être une extension physique et naturelle de notre corps ? Faut-il soumettre le vestige à la caresse…(3) Invitation à observer ou interroger, le Vestige est un indice du passé. Les œuvres d’Iris Levasseur, Shahar Yahalom et Coraline de Chiara, nous proposent alors une in-vestigation. Laissons nous simplement guider…
(1) Julie Crenn
(2) Philippe Dagen, Le Monde 08 septembre 2017
(3) In Totalité et Infini, E.Lévinas