Klidjabadjaba
Exposition personnelle de Kokou Ferdinand Makouvia.
Dans l’attente du féticheur qui orchestrera l’efficacité du lieu – son pagne gît à l’entrée, promesse d’un retour prochain – Kokou Ferdinand Makouvia s’amuse.
Au centre de son terrain de jeu, espace d’exposition réenchanté, il s’invente un arbre à palabres. Azé zé (Les vases du sorcier), lieu du sacrifice et de l’échange, lieu des histoires immémoriales et du débat avorté, lieu des grandes conversations, avec soi-même d’abord, régit le lien social instauré entre l’homme et la matière, objet premier de fascination artistique.
Entre autres spectateurs, parlementaires et notables, tout le village est convié, même en esprit. La céramique, la résine, les câbles électriques, le bois, le cuivre, le fer, les fibres de verre, tout ce qu’offre la rue enfin, celle de Paris, de Lomé ou de Lagos, sont autant de matériaux pareillement convoqués.
Entre tous, des entrechoquements ont lieu, des transformations s’activent, des métamorphoses se préparent.
Originaire de Lomé (Togo) et rétrospectivement empreint, depuis son arrivée en France (2014), de la culture traditionnelle Mina qui l’a vu grandir de loin, Kokou Ferdinand Makouvia s’enquiert inlassablement de toute la matière subtile qui compose l’existant. Dès lors, il se conditionne à une collaboration étroite avec la matière dans tous ses états : il fait de son énergie une âme soeur dans le dialogue, il se confronte à sa substance incarnée comme une réalité persistante avec laquelle il est vital d’apprendre à composer, il l’utilise enfin comme un médium pour communiquer avec l’invisible.
Dans un face à face qui tient autant du ballet guerrier que de la transe animiste, l’artiste déambule en faveur de la matière qui réagit ou continue à travailler seule. Intercesseur d’une dichotomie entre le faire et le laisser-faire, Kokou Ferdinand Makouvia, tour à tour façonneur dévoué et alchimiste acharné, n’est que l’adjuvant de tout ce qui advient, l’élément et le perturbateur du travail de l’action sur elle-même, le spectateur qui accueille, impuissant mais toujours favorable, autant que l’activateur reconnaissant du miracle.
Ainsi Klidjabadjaba – terme intraduisible et pourtant irréfragable – repose sur la compossibilité des oeuvres – des matières et des hommes : leur capacité à occuper le même espace, à cohabiter, à coexister. À l’instar du vécu et du ressenti de l’artiste lui-même, Klidjabadjaba est un sentiment entre deux mondes, fait de stabilité et de vertige, un phénomène de vibration, à la fois dissipation et concentration, une attente confiante enfin face à cet instant d’inconnu, au seuil d’une première exposition personnelle.
Zoé Monti