Engramme
Exposition personnelle d’Abdelkader Benchamma.
Abdelkader Benchamma, de retour de résidence à la Villa Medicis, expose pour la première fois à la galerie Daniel Templon.
Utilisant souvent le dessin mural en noir et blanc pour sa simplicité et sa force graphique, l’artiste développe un langage à travers lequel il parvient à faire douter le visiteur de la réalité de sa perception, en le faisant pénétrer dans des univers instables et dynamiques. Matière mouvante qui enveloppe au Drawing Center de New York (2015-2016), grotte animée d’un furieux vortex circulaire pour la Biennale de Sharjah (2017), big-bang fossilisé qui recouvre le sol des Collèges des Bernardins (2018), ces installations, que l’on pourrait qualifier de métaphysiques, questionnent notre rapport à l’insaisissable, l’infini et l’invisible. Inspiré autant par la littérature que l’astrophysique, la philosophie et l’ésotérisme, son travail redéfinit les pratiques de dessin classique en l’amenant vers l’installation, la sculpture, la fresque.
Pour cette exposition, Abdelkader Benchamma s’est intéressé aux recherches de neurophysiologie autour de l’engramme, trace biologique de la mémoire dans le cerveau. L’artiste a conçu pour la galerie une installation agrégeant fresque immersive et dessins, multipliant les couches qui interrogent notre lecture des images et leurs survivances. Du céleste au terrestre, des réminiscences mentales à la matérialité du marbre, Abdelkader Benchamma convoque apparitions, symboles, représentations interdites et visions inconscientes pour aborder ces questions : comment l’humanité est-elle programmée pour comprendre les images, qu’est-ce que la croyance aujourd’hui ?
L’exposition à la galerie Templon marque une nouvelle étape du parcours de l’artiste, qui le mène vers une nouvelle densité plastique. La fresque Engramme s’étend dans l’espace de la galerie et dialogue avec les dessins accrochés à sa surface. Elle dynamise l’espace, tantôt par ses flux ou traces sans matérialité, tantôt en figeant la matière du dessin, sédimentant les traits et les sujets. Elle compose une sorte d’archéologie en mouvement, qui fige les manifestations célestes, donne à percevoir en accéléré les temps géologiques longs, les évènements du passé qui agissent encore aujourd’hui. Les dessins sur papier se superposent à la fresque murale, la complètent ou la dissimulent, et donnent momentanément une forme à l’informel tout en multipliant les interprétations et les temporalités du dessin : dessin dynamique, dessin jouant avec le vide, dessin fossilisé.
Comme l’exprime Georges Didi-Huberman dans L’image survivante (2002), ouvrage auquel s’est intéressé l’artiste pour cette exposition : « Nous ne sommes pas devant l’image comme devant une chose dont on saurait tracer les frontières exactes. Une image est le résultat de mouvements provisoirement sédimentés ou cristallisés en elle. Ces mouvements la traversent de part en part, ont chacun une trajectoire. Partant de loin et continuant au-delà d’elle. Ils nous obligent à la penser comme un moment énergétique ou dynamique. »