Théo Mercier The Thrill is Gone
Avec le soutien de La Friche la Belle-de-Mai et de la Fondation d’Entreprise Ricard.
Exposition réalisée dans le cadre de la 16ème édition du Festival Actoral.
Conception : [mac] musée d’art contemporain de Marseille, Festival actoral en collaboration avec la galerie Bugada & Cargnel, Paris.
Le projet The Thrill is Gone a été sélectionné par la commission mécénat de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques qui lui a apporté son soutien.
Pour sa première exposition personnelle dans une institution française intitulée The Thrill Is Gone, Théo Mercier (né à Paris en 1984, vit et travaille à Paris et à Mexico) présente conjointement de nouvelles séries de sculptures et de photographies, dans lesquelles il mêle vestiges archéologiques et contemporains, teintés d’esthétique post-moderniste et New Age. Ce faisant, il créé un parcours entre archéologie, actualité et récits d’anticipation, duquel se dégage un sentiment d’urgence face à la précarité, à l’obsolescence des objets, des civilisations, de la beauté.
Entre ascension et faillite des objets et des civilisations, Théo MERCIER imagine sur 1 000 m2 un musée pendant la guerre, une salle des butins, le résultat d’une saisie de douanes. Chacun des objets présentés contient sa fin, sa chute, son oubli, ainsi qu’une vibration politique. Ce sentiment est d’autant plus prégnant que l’artiste fait émerger, dans ce projet, une perméabilité entre conservation et actualité, entre l’intérieur du musée (le passé) et le monde extérieur (le présent, le futur). Ce qui se trouve à l’intérieur de l’exposition fait en effet écho à ce qui se trouve à l’extérieur. Ce dialogue silencieux sera acté lors du vernissage par deux comédiens qui prendront la parole devant les oeuvres, empruntant tour à tour les voix du visiteur, du guide-conférencier, de l’envoyé spécial, du philosophe ou encore de l’anthropologue.
Au fil de sa déambulation, le spectateur se trouvera face à des pneus Goodyear sur socle, médaillons contenant des vestiges archéologiques et autres fossiles préhistoriques, qui constituent un calendrier singulier, une roue du temps, des origines du monde à l’ère contemporaine. Plus loin, il découvrira un totem accidenté puis un tas de masques africains brisés au cours de la traversée de la Méditerranée, avant de faire face à un bataillon de masques de baseball, visages vides, prêts à charger. Il traversera également une collection de pierres d’aquarium, trait d’union entre abysses et cosmos fantasmés, et tâchera de se frayer un chemin parmi de lourdes jarres en céramique dressées en apesanteur, dont l’équilibre semble parfaitement instable, comme autant de monuments à la chute, de souvenirs des temples de Palmyre ou du musée de Mossoul. Leur équilibre impossible fait poindre un lien entre leur précarité et celle du visiteur, qui pourra également contempler une skyline de tours de CD, cité-symbole d’une civilisation d’objets obsolètes.
Exposition sur la disparition, entre Histoire et oubli, The Thrill Is Gone sonne comme un constat, entre splendeur et déchéance, contemplation et impuissance. Cependant, en conférant à ses objets le pouvoir de nous faire parler et de nous faire penser, Théo MERCIER entrouvre le chemin des possibles.
Plasticien et metteur en scène, Théo Mercier mène une réflexion située au carrefour de l’anthropologie, de l’ethnographie, de la géopolitique et du tourisme. Entre mises en scènes chorégraphiées et explorations de la matière, il associe une pratique de créateur et de collectionneur, à travers laquelle il met en place un échange foisonnant entre passé, présent et futur, animé et inanimé, vrai et faux, artisanal et industriel, profane et sacré, réel et fiction.
La plupart des pièces de Théo Mercier sont le résultat d’un travail d’anthropomorphisation des objets – issus de trouvailles, d’assemblages, de superpositions, de collages ou de greffes – qu’il créé le plus souvent par série, constituant de véritables communautés de pièces plus ou moins jeunes ou âgées, mâles ou femelles, au sein desquelles il révèle et invente une hiérarchie sociale mouvante, comme dans sa série de totems réalisée au Mexique – lieu d’inspiration et de création – et intitulée Craft Thoughts Wood Songs ou Nowhere Bodies (2015). Cette dernière met parfaitement en exergue l’importance du mouvement dans le travail de Théo MERCIER. Déployé dans leur accrochage, il se retrouve dans le mode de fabrication des pièces, dont l’artiste a travaillé les éléments en bois et en céramique à l’aide d’un tour de poterie qu’il a fabriqué. Il utilise également les tabourets sur lequel il s’assoie lors de ce travail comme socles pour ses oeuvres, incluant dans l’oeuvre finale l’ensemble du processus de création.
Dans la série Back to Basics and Gender Studies (2015), Théo Mercier associe des masques de danse africains à des éléments – modifications aux oreilles et aux arcades – propres aux masques papous, auxquels il greffe un nez en PVC ondulant, symbole de l’ondulation des corps dansants et qui situe ces objets entre le masque et l’instrument. En produisant et en collectionnant des objets métissés, polymorphes, plurivoques, ambigus, perdus dans leurs origines et dans leur usage, Théo Mercier donne forme à un exotisme très particulier, transculturel, transgéographique, transtemporel. Il le souligne au travers d’un travail de mise en scène qui fait sans cesse osciller l’accrochage entre le cabinet de curiosité, la salle des butins, l’entrepôt, l’atelier, la photographie de groupe… Entre anthropologie réelle et imaginaire, la démarche de l’artiste est proche de celle de l’explorateur, qui rapporte des objets de mondes existants et inexistants, comme autant de pièces à conviction de voyages qui ont ou n’ont jamais existé.
Théo Mercier entend opérer une forme de mise à plat de l’histoire de l’humanité et de sa production, qu’il compare à celle rendue possible par l’Internet. Il rappelle cependant : La possession du monde n’est pas ma priorité (2013), et place un ensemble de trois cents fausses roches destinées aux aquariums achetées au cours de ses voyages à travers le globe au rang de collection géologique imaginaire et étonnante, symbole de la création d’une nature fantasmée par une culture de (re)production de masse. Tout comme il aime creuser la plurivocité du statut de ses objets et de ses accrochages, Théo Mercier joue sans cesse sur la confusion, voire la perte, du geste de l’artiste dans l’oeuvre, un jeu que l’on retrouve également le travail de mise en scène de son spectacle Radio Vinci Park.