Corps - écran
Stéphanie Katz, critique d’art, commente cette exposition:
« Dans le champ de la création contemporaine, l’habitude est prise d’opposer la peinture aux propositions des vidéastes. La différence des supports est généralement assimilée à une distinction de projets, voire à des divergences de perspectives. La mise en regard des oeuvres d’Isabelle Lévénez et Philippe Hurteau, plus proche du dialogue que de la confrontation, permet de poser autrement la question. Les divergences entre peinture et vidéo semblent, à première vue, définitives : là où la vidéo opte pour la saisie du mouvement, la peinture s’inscrit dans un temps suspendu, immobile. Toutefois, certains peintres restituent l’agitation du monde et l’esthétique du ralenti et du suspens narratif signe de nombreuses recherches vidéographiques. Peinture et vidéo tendraient-elles à construire une esthétique commune qui justifierait cette attirance de l’une par l’autre ? »
Cette mise en regard de techniques divergentes, est l’occasion de s’interroger sur les rapports nouveaux que semblent entretenir l’image fixe de la peinture et l’image mobile de la vidéo, et leurs influences réciproques. C’est pourquoi l’Espace Paul Ricard a souhaité réunir le travail d’Isabelle Lévénez et celui de Philippe Hurteau, qui au delà des techniques et des formes, ont en commun le recours à des images de corps féminins, morcelés, désirant ou extatiques, corps de nouvelles Ophélie noyées dans le flux numérique.
Avec Désir, les écrans d’Isabelle Lévénez fragmentent un corps de femme flottant « entre deux eaux ». Elle approfondit ainsi son étude des textures impénétrables de l’image technologique, et du morcellement du corps par la multiplicité des écrans. Dans les nouvelles toiles de la série XTZ -pour Extase- Philippe Hurteau poursuit et approfondit sa recherche : confronter la peinture -et sa tradition- aux images contemporaines et à celles des écrans. Ici, l’éternelle figure féminine émerge des video X , des web-cams, de l’océan des images.
De l’écran numérique à la peinture et de la peinture à l’écran, comme le souligne Stéphanie Katz : « c’est donc à partir d’une même matrice, corps féminin flottant sous l’onde du visible, que travaillent Isabelle Lévénez et Philippe Hurteau : l’une travaillant à réifier une visibilité froide, l’autre pariant sur le rachat de l’écran par l’intimité de la peinture. »