Paris / Brooklyn
Flay, Splay, Play… Écorcher, ébraser, jouer… : L’Invisible Scalpel d’une Esthétique Anatomique
Le point commun qui rassemble les sept artistes de Flay, Splay, Play… est une particulière obsession de la déstructuration. Ils évoluent également dans la même sphère géographique – ils se sont tous engagés dans la scène artistique de Brooklyn et particulièrement auprès du Smack Mellon – pourtant c’est une pratique plus scientifique et plus étrange qui a dicté leur démarche.
Ces artistes s’accordent dans leur prédilection pour la dissection biologique de leurs sujets sélectionnés. Ils appliquent une esthétique anatomique à des éléments qui ne s’inscrivent pas dans le champ de l’anatomie, et ils procèdent à cette opération à l’aide de scalpels invisibles, tels que des codes informatiques, des lentilles et des catalyseurs en résine. Ces artistes privilégient la dissection et l’écorchement à vif tout en élargissant sans cesse leurs champs d’application.
David Baskin réalise ses sculptures dans l’acception traditionnelle du terme « la fabrication d’objets ». Ses formes dérivées du mobilier domestique, sont démantelées et refondues en caoutchouc rose et rouge.
Cette surface en « peau » leur procure une dimension anthropomorphique, dimension qui s’accentue lorsque les formes sont accrochées au mur telles des trophées de chasse.
Jennifer et Kevin Mc Coy analysent la culture pop en disséquant et archivant méticuleusement des séries Télé et en nous les repassant par extraits. Chaque scène est cataloguée, chronométrée et définie par une couleur jusqu’à ce que l’ineptie de ce que l’on nomme la culture Américaine nous apparaisse ironiquement au travers du tube cathodique.
Simon Lee présente une installation dont la matière première est la lumière projetée et fractionnée, habituellement générée par des projecteurs sur-élevés. Il profite des effets prismatiques de la lumière et expérimente à chaque nouvelle création le fractionnement de la lumière à travers des objets mobiles de plus en plus étranges.
Eve Sussman dissèque des films cinématographiques à la Etiene-Jules Marey ou à la Muybridge, mettant en relief chaque geste grâce au ralentissement de la vitesse de diffusion au 1/50ème de la vitesse originale. Elle utilise 9 écrans de projection, pour obtenir une bande cinématographique en mouvement – comme si une bande de celluloid était présentée à la lumière et bougeait sous nos yeux. Un décalage horaire rendu visible.
Melissa Dubbin et Aaron Davidson extraient des actions inscrites dans le temps hors de leur moment spécifique et insèrent leurs propres sujets dans un ordre qu’ils ont eux-mêmes défini. Les séquences vidéo sont temporairement redisposées et extraites de la source. Les épreuves qu’ils présentent ici explore la notion de progression chronologique, en tant que ligne de temps fractionnée et discontinue.
Après avoir décrit comment chaque artiste s’obstine à déstructurer les éléments, il est pertinent et sans doute gentiment ironique de souligner que le terme définissant au mieux l’état d’esprit actuel à Brooklyn est « le synergisme » – coordonner les moyens, les personnes ou les organisations afin d’atteindre un résultat supérieur à la simple addition des capacités individuelles. C’est grâce à ce « synergisme » qu’est né le projet « Paris in Brooklyn / Brooklyn à Paris » et que Brooklyn est devenu dans les cinq dernières années la mecque de l’art contemporain. Mais aucun organisme ne peut prédire son avenir tant qu’il n’est pas sur la table d’opération prêt à subir une fois de plus une dissection par la nouvelle vague.