< input > avec Mark Leckey

A l'occasion de la rencontre du cycle < input > du 3 juillet 2024, Mark Leckey était l'invité de Julien Bécourt.

Artiste pluridisciplinaire né en 1964 à Liverpool et récompensé en 2006 du prestigieux Turner Prize, Mark Leckey a toujours croisé les disciplines, forgeant une œuvre au carrefour entre art conceptuel, pop culture et réflexion aigüe sur la technologie. Les installations de Leckey s’articulent autour de l’excavation de la mémoire et de souvenirs fantasmés ou réels, à travers des objets de consommation qui en cristallisent la résurgence, des paquets de cigarettes Benson & Hedges aux colonnes d’enceintes des sound systems en passant par les jouets Toys “R” Us. 

Proche du courant philosophique dit « réalisme spéculatif », il se fait à la fois observateur périphérique de la société et de ses produits commerciaux, tout en investissant leur phénoménologie : une forme de « marxisme métaphysique » qui s’incarne dans des artefacts pop, éléments vitaux de son travail. Leckey déclare qu’il fait de l’art « pour comprendre les choses qui ont une emprise sur lui ou qui l’affectent ». Au cœur de son processus gravite une myriade d’objets manufacturés auxquels il prête une conscience, une voix et une vie autonomes, détachées de l’être humain qui les a façonnées. « Beaucoup de mes œuvres trouvent leur source dans des choses et des expériences de mon enfance et de ma jeunesse qui me hantent encore », explique le plasticien de soixante ans qui enchante les bibelots les plus banals et fait du consumérisme technologique l’épicentre de la lutte des classes. L’artiste dresse ainsi une topographie de sa propre psyché, et par extension celle de toute une génération aliénée par le capitalisme. En prise avec la société britannique sous ses aspects les plus inégalitaires, Leckey n’a jamais trahi ses origines et sa renommée internationale lui a permis de monter une école d’art dans les Cornouailles, donnant accès à un enseignement non-élitiste dans une région culturellement défavorisée.

Devenue virale au début des années 2000, sa vidéo Fiorucci made me Hardcore retrace l’histoire du clubbing en Angleterre – de la Northern Soul à l’acid house - à travers des archives de fêtes montées au ralenti. Elle sera suivie de Dream English Kid 1964 - 1999AD en 2006, emblème du courant hantologique. 

En 2014, il collabore avec le musicien expérimental Florian Hecker et présente une grande rétrospective au Wiels à Bruxelles (Enchanter la matière vulgaire), accompagnée d’une monographie. Dans l’exposition O’ Magic Power Of Bleakness à la Tate Britain en 2019, il reconstitue un tronçon de l’autoroute M53 surplombée par un pont. En 2022, son exposition Carry Me into the Wilderness revisite un portrait de Saint Anthony par Lorenzo Monaco, peintre italien du 14e siècle. Fin 2023, le musée Turner Contemporary lui offre une carte blanche. Il y présente notamment DAZZLEDDARK, une nouvelle vidéo en 3D qui détourne l’univers enfantin des fêtes foraines. Il y expose également le travail d’une nouvelle génération d’artistes et de musiciens électroniques. En 2023, il signe The Bridge, sa première œuvre en réalité virtuelle, dont il présentera des extraits en exclusivité. Dernièrement, il a programmé deux soirées de musique expérimentale au Café Oto à Londres.

 

Confié à Julien Bécourt, le cycle <input> célèbre l’union entre les arts visuels et les arts sonores.