Compagnonnage Horizones #3 Espèces d'espaces, espèces de paysages
Compagnonnage 23e Prix Fondation Pernod Ricard
Rencontre avec Eva Nielsen, Romain Noël et Fanny Taillandier, animée par Marianne Derrien, accompagnée d’une lecture de textes par les auteur·e·s
Pour son compagnonnage à l’occasion du 23e Prix de la Fondation Pernod-Ricard, Eva Nielsen, accompagnée de Marianne Derrien, commissaire d’exposition, critique d’art et auteure de plusieurs textes sur l’artiste, s’entretient avec Fanny Taillandier, écrivaine, et Romain Noël, auteur et chercheur.
Eva Nielsen explore la frontière entre peinture et photographie, créant une perméabilité entre ces deux médiums par l’usage de la sérigraphie. Elle élabore ses œuvres par superpositions de couches picturales rappelant la constitution par sédimentation du paysage urbain. Dans ses tableaux, architectures de béton, stores, mobiliers collectifs deviennent des trames structurant notre rapport à l’espace quotidien tout en semblant appartenir à une époque incertaine. Leur traitement fait basculer ces visions urbaines modernistes dans une étrangeté onirique, une sorte de quotidien transfiguré. Face à ses peintures, une incertitude apparaît sur la nature de ce que nous regardons. Pour Eva Nielsen, la question du paysage et de la représentation d’un espace périphérique, que l’on pourrait dire de banlieue, est centrale.
Cette rencontre entre praticien·ne·s de disciplines différentes mais complémentaires est avant tout un partage de réflexions sur la représentation du paysage dans les champs de la littérature, de la peinture, de la poésie, des sciences politiques ou de la science-fiction. Choisir l’architecture et l’aménagement du territoire, lieux de lutte constante entre le centre et la périphérie des villes, comme sujet, comme espace littéraire, c’est être, à la fois, à un point de rencontre et un point de tension du paysage, c’est dé-stratifier le réel de ses illusions idéalistes afin d’en montrer des réalités tant sociales qu’esthétiques. C’est considérer, avec le philosophe Jacques Rancière, que si « un paysage est le reflet d’un ordre social et politique. Un ordre social et politique peut [alors] se décrire comme un paysage ».
Entre fiction, imaginaires et théorie critique, comment raconter et prendre soin des espaces où nous vivons ? Comment exprimer avec finesse et simplicité cette fluidité entre conceptualisation intellectuelle et expériences physiques des espaces ? Comment rendre compte d’une expérience urbaine, toujours sur le fil d’une relation dynamique entre passé, présent et futur, entre esthétique de la ruine et volonté visionnaire, entre hypermodernité, fétichisme patrimonial et écologie urbaine ? Voici quelques pistes de réflexion pour cette rencontre intitulée « Espèces d’espaces, espèces de paysages : écrire, peindre, éprouver des lieux ».
Biographies
Née en 1986, Fanny Taillandier grandit en banlieue parisienne. Agrégée de lettres et formée à l’urbanisme, elle est membre du collectif La Preuve par 7, démarche expérimentale d’urbanisme et d’architecture initiée par Patrick Bouchain. En 2019-2020, elle est pensionnaire à la Villa Médicis. Elle a publié quatre fictions : Les Confessions du monstre (2013), Les États et empires du lotissement Grand Siècle (2016), Par les écrans du monde (2018) et Farouches (2021). Elle réalise aussi des installations lumineuses et textuelles in situ, en dialogue avec l’architecture et le paysage. En mai 2022, paraît Delta, documentaire sur le delta du Rhône et son aménagement.
Romain Noël est chercheur et poète. Transdisciplinaires, ses recherches portent sur la vie formelle des affects à l’heure de l’extinction, les écologies antihumanistes et les liens entre apocalypse et mélancolie. Son premier livre, Errare, a paru en 2013 chez Fata Morgana. Avec Marielle Macé, il a co-dirigé le numéro spécial de la revue Critique intitulé « Vivre dans un monde abîmé ». Outre des textes critiques sur l’art contemporain, il a publié « Apocalypse BDSM » (Klima Magazine, lundimatin), « Pourquoi des potions à l’heure de l’Extinction » (Frûctose) ou encore Mycélium, petit conte post-apocalyptique (Le murmure éditeur), qu’il co-signe avec Youri Johnson.
Image : Eva Nielsen, Scope, 2021, détail ; Acrylique, encre et organza, 130 x 180 cm