< input > avec Susanne Kennedy
Confié à Julien Bécourt, le cycle input célèbre l’union entre les arts visuels et les arts sonores. Des installations muséales à l’activisme underground, de Fluxus à la noise music, il conviera un·e artiste plasticien·ne à évoquer sa relation aux résonances et à la vibration du son, et à interroger ce lien sacré que les arts ont toujours noués avec la musique – qu’elle soit d’ordre mineure ou majeure, populaire ou savante.
Née en 1977, Susanne Kennedy est une metteuse en scène allemande. Elle vit et travaille à Berlin. Ses dispositifs théâtraux, au croisement de l’installation vidéo et de la performance, transforment les comédien·nes en présences désincarnées, comme étrangères à leur propre existence. Doté·es de masques en silicone, iels jouent en playback des dialogues préenregistrés en studio, qui renforcent la déconnexion entre leur voix et leur corps. La scène y devient un simulacre d’univers domestique, propice à révéler l’inconscient du monde digital et l’envers de la société de consommation.
Après avoir exploré les textes d’Elfriede Jelinek, Enda Walsh et Sarah Kane, elle met en scène On achève bien les chevaux d’après Horace McCoy en 2011, puis Purgatoire à Ingolstadt de Marieluise Fleisser en 2013. Sa création suivante, Hideous (Wo)men (2013) résulte d’une collaboration avec le duo d’artistes performeuses Boogaerdt/VanderSchoot. Elle y détourne le dispositif du jeu télévisé Tournez Manège pour en faire un soap opera décadent. En 2014, elle adapte le film Pourquoi Monsieur R. est-il atteint de folie meurtrière ? de Rainer W. Fassbinder et Michael Fengler, peaufinant un théâtre de l’absurde qui préfigure l’ère post-numérique.
Viendront ensuite Orfeo (2015), puis Medea.Matrix (2016), sa première collaboration avec le plasticien Markus Selg, où écrans et lumière occupent une place centrale. En 2018, Women in trouble s’attache à représenter des femmes confrontées à la maladie et à la mort, dans un décor de métavers, froid et aseptisé. S’ensuivront une série de collaborations avec Selg, conçus comme des tableaux vivants où nature et technologie auraient fusionné pour donner naissance à de nouveaux rituels : Coming Society (2019), Algorithmic Rituals (2019), Ultraworld (2020) et Oracle (2020). L’atmosphère onirique d’ANGELA (a strange loop), programmé en 2023 à L’Odéon-Théâtre de l’Europe, épouse aussi bien l’étrangeté hypnotique des films de David Lynch que la satire sociale de la série The Curse. Dans un décor entre plateau TV, bloc opératoire et appartement-témoin, une jeune femme ressent les symptômes d’un mal mystérieux dont l’origine n’est jamais identifiée. Une expérience sensorielle, à la fois burlesque et perturbante, qui transporte les spectateur·ices dans un rêve éveillé.
Invitée du Festival d’Automne en 2023, elle livre dans la Grande Halle de La Villette sa propre version de l’opéra postmoderne Einstein on the Beach, initialement conçue par Bob Wilson sur une partition de Philip Glass. Une œuvre monumentale de 4h montée sur une scène tournante, où le réel se confond au virtuel et où les spectateur·ices peuvent circuler librement au milieu de chanteur·euses, de comédien·nes et de chèvres. Un impressionnant maelstrom de décors, de chants et de costumes où l’esthétique digitale et le chamanisme se conjuguent pour dépeindre la genèse d’une nouvelle civilisation, où l’IA se serait substituée à Dieu.