Xavier Veilhan
Catherine Francblin sera entourée de l’artiste, Xavier Veilhan et d’Ami Barak, critique d’art et commissaire d’expositions.
À 39 ans, Xavier Veilhan est déjà l’auteur d’une oeuvre abondante dont la reconnaissance internationale ne cesse de croître. On se souvient de ses étonnantes sculptures figuratives (« Les Policiers », « La Garde républicaine ») qui ré-interrogent la question de la statuaire à partir de la réalité contemporaine. On se souvient aussi de ses grands environnements en feutre (« La Grotte », « La Forêt ») dans lesquels le spectateur est invité à déambuler ou de ses photographies travaillées selon un procédé numérique, comme « Le Supermarché » appartenant à la collection du Musée national d’art moderne.
Toutes ces oeuvres, aussi diverses soient-elles, mettent en relation le passé et le présent. À travers une exploration des manières de figurer, de construire, de produire ou d’imaginer, Xavier Veilhan rend perceptible une sorte d’énergie des commencements marquant, notamment, les débuts de la modernité. S’estimant dépositaire d’un héritage, il entend révéler dans son travail cet état de grâce, cette excitation que connurent les découvreurs pour les mettre au service d’une reconstruction de la réalité contemporaine.
Depuis sa dernière exposition, d’ampleur rétrospective, au Magasin de Grenoble, Xavier Veilhan s’est consacré à une nouvelle série d’oeuvres, constituant des « Tableaux lumineux », qui jettent un pont entre les débuts de l’image animée (cf. Jules Marey) et la technologie informatique.
Catherine Francblin s’entretiendra avec Xavier Veilhan sur le thème de l’art et de sa relation avec les visées utopiques des pionniers de l’ère moderne qui avaient « le monde à construire ». Le critique d’art et commissaire d’exposition Ami Barak, grâce à qui l’importante sculpture de « La garde républicaine » est entrée dans les collections du Frac Languedoc Roussillon dont il fut directeur, proposera également un parcours en images dans l’oeuvre prolifique, d’une formidable cohérence, de cet artiste majeur.
Catherine Francblin : Nous allons terminer cette année, commencée avec Dominique Gonzalez Foerster, avec un autre artiste majeur de l’art de ces dix dernières années : Xavier Veilhan.
Au premier abord, le travail de Xavier Veilhan est d’une extrême diversité dans sa forme, ce qui peut donner un sentiment d’éclectisme, même si d’une oeuvre à l’autre on retrouve un même caractère de rigueur, de précision, de sobriété et des références à des formes modernes, comme les carreaux noirs et blancs du film. Pourtant, d’un point de vue stylistique les pièces demeurent très variées, éloignées les unes les autres. Xavier Veilhan utilise tous les médiums et les domaines iconographiques auxquels il s’attache sont extrêmement divers. Pourtant son travail reste d’une grande cohérence conceptuelle, qu’il s’agisse des grandes sculptures représentyant les policiers municipaux de la ville de Paris ou la garde républicaine, des grands environnements en feutre, comme « La grotte » ou « La forêt » dans lesquelles les spectateurs peuvent entrer, des grandes photographies travaillées selon un procédé numérique (je pense notamment au pingouin regardant le rayon d’un supermarché). Toutes ces images fortes de Xavier Veilhan établisssent une sorte de pont entre le passé et le présent : les grandes sculptures interrogent l’histoire de la statuaire traditionnelle, les grands environnements questionnent l’état de nature et l’habitat primitif. Enfin, les grands tableaux photographiques remettent en jeu la question de la technique. Ce retour vers le passé n’est pas un retour nostalgique à la mode du post-modernisme mais plutôt une manière de figurer, de produire, d’imaginer, de mettre en évidence une énergie propre aux grandes étapes de l’évolution de l’humanité et notamment propre aux débuts de la modernité. Comme s’il se considérait dépositaire d’un héritage constitué par cet état de grâce des débuts, Xavier Veilhan révèle une excitation, comme celle ressentie par les découvreurs, et la réinsufle dans le présent pour la mettre au service d’une réinvention de la réalité contemporaine. Or, à l’origine de chaque grande évolution il y a une forme de rêve d’un autre possible. Ces rêves d’un autre possible constituent une sorte de facteur de nouveauté, de construction et de transformation de la société. Ce sont ces utopies que le travail Xavier Veilhan met en évidence, comme lorsqu’il se représente en homme volant par exemple, ce qui nous renvoie aux films historiques sur les débuts de l’aviation qui montraient des hommes volants avec des ailes en métal. Mais parce qu’ils avaient le désir de voler ils sont à l’origine de nouvelles techniques. Je pense que ce sont moins les résultats des rêves qui intéressent Xavier Veilhan que l’énergie mise en oeuvre au cours des phases d’expérimentation pour tenter de les réaliser. Ainsi Xavier Veilhan précise dans une interview : « j’aime travailler avec des motifs porteurs d’une sorte d’énergie dont le caractère positiviste est systématiquement contredit par la réalité ». Les pionniers de l’ère moderne, Gustave Eiffel ou Henri Ford, évoqués dans ses oeuvres, n’étaient pas seulement des inventeurs mais avaient aussi à l’esprit « le monde à construire », pour reprendre l’intitulé de cet entretien. Par ailleurs, il semble que lorsque Xavier Veilhan monte et démonte toutes sortes de machines, il nous donne l’impression de vouloir s’approprier le coeur du mécanisme de la création pour en nourrir, à travers ce sous-ensemble du réel qu’est son propre travail, une partie de la réalité d’aujourd’hui.
Xavier Veilhan nous a présenté un film et revient de New York et de Taipei où il a présenté quelques oeuvres récentres. Xavier, peux-tu nous commenter ces oeuvres ?
Xavier Veilhan : Ce film a été tourné au Japon et je suis en train de tourner une sorte de suite, de progression par rapport au premier qui sera présenté au Centre Pompidou le 30 janvier 2003. Présenter ce film devant une assistance était une expérience intéressante car, habituellement, j’envisage mes films de sorte que le spectateur soit libre de passer devant c’est à dire dans un espace ouvert avec la lumière naturelle, pour que le temps et le rapport à l’image ne soient pas impliqués par le lieu et le dispositif dans lequel ils sont montrés. Ainsi chacun peut voir l’image comme un tableau fixe. Actuellement, dans la perception que j’ai du monde et que je retranscris dans mon travail, je suis frappé par une idée globale de « pulvérisation » ou de « diffraction ». Je remarque pourtant une adéquation entre des détails formels de notre réalité et des choses plus conceptuelles. Or le phénomène optique de la caméra qui fonctionne comme un entonnoir de condensation permet de recréer une unité. J’essaie ainsi de rassembler des morceaux pour donner une vision plus minimaliste d’une réalité chaotique, de fournir en quelque sort un outillage qui permet d’entrer dans la réalité de mon travail. Je m’oriente donc actuellement vers cette idée du chaos et d’assemblage du chaos. Il s’inscrit finalement dans la tradition minimaliste de l’art contemporain depuis les années 1960.
Par ailleurs, par rapport au public, au nombre important d’artistes et de lieux culturels, j’ai réalisé que l’économie entrait de plus en plus dans le musée. Il suffit de voir la place de plus en plus en grande occupée par la librairie ou le restaurant du musée. Cela me donne l’impression de devenir une sorte d’agent culturel d’un nouveau service global. Dans ce rôle j’essaie de m’adapter à l’économie, à l’offre et la demande, sans remettre en cause mon projet initial. En effet, je ne présente pas une exposition de la même façon dans une galerie ou dans un grand musée. Par ailleurs, par rapport à une question de responsabilité face à « l’encombrement », à la profusion des objets, tel que Buren l’évoquait, je pose la question de la légitimité de ces objets.
CF : Ami Barak, veux-tu faire un commentaire sur ce rôle de l’artiste comme agent culturel ?
Ami Barak : Je vois Xavier Veilhan comme un témoin oculaire de son propre temps, car remettre les choses en perspective est une constance de sa démarche. J’ai également remarqué qu’il agit dans une attitude militante, même s’il n’est pas un moraliste, il a néanmoins une morale. Comme il laisse le spectateur libre de se faire sa propre vision, j’ai choisi pour parcourir le travail de Xavier Veilhan, de commencer par le tableau « L’arbre » qui fait partie d’une série de peintures dont des objets étaient les sujets. Cette oeuvre pose la question de la représentation et de la similarité. De même la série des « Maisons Bouygue » présente des maisons standards en apparence, mais qui sont en réalité différentes. Il me semble donc que Xavier Veilhan cherche à signaler que, malgré les apparences, les choses sont toujours différentes.
Dans la série des animaux, Xavier Veilhan se montre comme un manipulateur d’images en présentant des objets à la même échelle, non pour les simplifier mais pour en extraire la quintessence, les rendre synthétiques comme des images numériques. Il recrée ainsi une hiérarchie artificielle, une autre échelle des valeurs, propre à son temps. Les objets qu’il représente, qu’il s’agisse d’une clôture, d’un poteau EDF ou du mobilier ont comme point de départ l’histoire du minimalisme.
XV : En effet mon travail est très lié aux minimalistes américains et aux artistes conceptuels dont je me sens proche.
AB : Si le point de départ est un vocabulaire minimaliste, tu remets tout de même en jeu la manière dont on voit ou pas les choses dans un environnement urbain.
« La garde républicaine » est un monument équestre, une pièce qui présente en taille réelle quatre cavaliers de la garde Républicaine. C’est un objet anachronique qui fait parti d’un autre âge même s’il représente l’un des symboles de la République. Il était d’ailleurs très intéressant d’observer la réaction du public face à cet objet plus vrai que nature. Il soulevait également, de façon prémonitoire, la question du clonage, avant que les expériences soient révélées au grand public.
XV : L’intérêt de « La garde républicaine » était surtout de soumettre au regard du public une pièce qui soit littéralement l’image de l’état, d’une manière statique. J’essaie de restituer une sorte de fascination pour les éléments dynamiques, même si aujourd’hui ils fonctionnent sur un mode « pulvérisé », sans direction. Ce qui m’intéresse c’est d’utiliser cette dynamique, à l’intérieur du postulat qu’est une oeuvre pour créer une forme.
CF : Par la suite, tu as construit un « Véhicule » qui ne sert à rien. Puis tu as reconstruit la Ford T ..
XV : En fait, le « Véhicule » n’a conservé que sa dimension de plaisir : il fonctionne, mais n’a pas de finalité. La Ford T est un modèle fondateur de la production en série, qui a engendré de nouvelles formes d’aliénation du travail et parallèlement un accès plus important aux déplacements et aux loisirs pour une grande partie de la population. J’ai donc choisi de reconstituer, à partir d’un bloc moteur, toute la machine uniquement avec ses fonctions vitales pour lui permettre de fonctionner, mais avec le degré minimum de complexité. Mon intérêt était de voir comment refaire l’histoire en se réappropriant de manière artisanale l’histoire de la production industrielle. Je suis également frappé par les chemins que j’emprunte pour faire des oeuvres qui reprennent ce qu’on appelle le low-tech et le high-tech. Aujourd’hui, l’artiste en tant qu’agent culturel, comme toute vie sociale, travaille plus à faire le lien entre des choses qu’à faire ces choses. Nous ne sommes pas dans le lieu, mais dans le passage, c’est pourquoi je m’intéresse à la manière dont mes images sont traversées. Nous sommes plus dans le lien que dans le lieu, ainsi on retrouve partout une sorte de confusion.
CF : Peut-on faire un lien entre cette Ford T, créée de manière artisanale alors qu’il s’agit d’une production en série, et le « Tour du potier », une oeuvre plus ancienne, constituée d’un booster qui fait tourner le tour du potier et permet de réaliser des poteries ?
XV : D’une part, il y a le booster, objet emblématique de loisir plus que de déplacement qui, dans cette oeuvre, retrouve une fonction de production dans l’étape la plus primaire de l’artisanat : la réalisation de pots. Nous sommes en effet dans un questionnement entre les notions de travail et de loisir. L’artiste, par exemple, se situe à la charnière de ces deux notions : il travaille, mais est également happé par une société demandeuse de loisirs, sans pouvoir nécessairement répondre à cette demande.
CF : Tes tableaux photographiques montrent une autre facette de ton travail, peux-tu nous parler par exemple de cette image de la Tour Eiffel et, plus généralement, de l’idée de représentation autour de laquelle tu travailles ?
XV : Ce qui m’intéresse dans un dispositif comme une installation, une image ou une situation produite, c’est de placer les spectateurs devant un cadre précis, celui du champ de définition du projet. Ainsi, une image se décrit et s’interprète de façon très différente. Par exemple, dans l’image de la Tour Eiffel, le spectateur a la possibilité de la voir soit comme une construction, soit comme une destruction. Je montre un point de bifurcation. J’essaie ainsi d’introduire dans mon travail des canaux de perception. Le public peut donc s’appuyer sur une image mais il doit faire des choix d’interprétation. Par exemple, dans les environnements que j’ai créés, comme la forêt ou la grotte, le public est impliqué physiquement. Il n’y a plus de séparation entre la dimension visuelle et cérébrale et la dimension physique et perceptive. Le mode de perception qui m’intéresse plus précisément en ce moment, c’est le passage à travers les choses : comment regarder une image arrêtée sur un mode dynamique. J’interroge le temps de la perception, comme l’ont fait des artistes comme Manet, Vélasquez, Warhol, Barnett Newman, Jeff Koons…
CF : Le spectateur est amené à expérimenter; toi-même tu sembles amené à faire un travail d’expérimentation dans le cadre de ton travail.
XV : Effectivement, mais il s’agit de l’expérience artistique. Ce qui est intéressant dans la fabrication des images c’est de condenser du temps. Il y a un long moment de préparation de l’exposition et vient ensuite le temps de la vision. Ce moment est très abstrait puisque l’artiste ne partage pas forcément l’expérience de la perception de l’exposition. Je prendrai l’exemple du « Rhinocéros » : c’est un objet que l’on ne peut pas ne pas voir, mais dont la surface est si réfléchissante qu’en même temps on ne peut pas le voir. Il condense tellement de références qu’il devient un réceptacle des expériences du spectateur, le tout en essayant de rester beau. Je fais parti d’une génération qui a réinsuflé de la forme dans une histoire de l’art au sein de laquelle les artistes avaient des difficultés avec la forme.
CF : Nous voyons maintenant une image de l’environnement intitulé « La forêt », construit en feutre sur 200m² et qui évoque notamment Robert Morris et Joseph Beuys.
XV : Il s’agit d’un outil perceptif. Le postulat de cette oeuvre était de reconstituer l’expérience consistant à être perdu dans un espace dont on ne voit pas les limites. Ce dispositif restitue avec des moyens minimaux une grande partie de l’expérience qui peut être vécue dans la réalité. Il s’agit également de jouer à perdre certaines notions perceptives. Ce dispositif peut être traversé, mais le public peut également vivre sa propre expérience. Par exemple, le public japonais se déchaussait pour traverser l’installation, comme s’il s’agissait d’un espace privé et l’idée de réaliser une oeuvre sans compromettre l’expérience de chacun m’intéresse.
CF : La peinture de l’arbre, qui est une image plate, et l’environnement en volume de la forêt qui invite à une expérience sensorielle, forment-elles des propositions inversées ?
XV : Au début de mes recherches sur la représentation je m’intéressais à ce qu’était un arbre, au champ que représentait ce mot, son caractère universel et son unicité. J’essayais de faire des peintures qui représentent le champ d’un mot. Pourtant, la périphérie d’un objet se définit par une forme. Ensuite, chacun adhère ou non à sa représentation picturale. Une fois ce vocabulaire installé dans ma pratique artistique, la forêt est une pièce qui l’active. J’essaie ainsi de définir un « style ». Finalement si l’arbre est une image plate, le visiteur l’est aussi dans la forêt puisqu’il devient la référence visuelle, une image. Dans le rapport avec le visiteur, plus qu’à lui offrir une image, je cherche à l’inclure dans l’oeuvre et susciter des interrogations par rapport à son propre regard.
CF : J’ai l’impression que tu mets couramment en relation dans ton travail des procédés opposés. Par exemple, le « Véhicule » fonctionne, mais reste inutile et devient ainsi un objet d’art, alors que les « Crânes » sont plutôt des objets d’art, des vanités, qui deviennent des objets utilitaires et de design puisque ce sont des poufs très années 1960 où l’on peut s’asseoir. Partages-tu cette idée ?
XV : En effet, les crânes sont des vanités qui peuvent se parler et sont susceptibles d’être instrumentalisés. Je m’intéresse également à l’idée de structure. J’ai à plusieurs reprises utilisé des os, comme avec les « Squelettes », il s’agit ici d’une métaphore de la structure d’une oeuvre. Ce qui m’a intéressé avec ces oeuvres, c’est de mettre le public devant des faux questionnements existentiels, alors que mon intérêt personnel était plutôt de savoir comment ces crânes ou ces squelettes pouvaient tenir debout. Le squelette a un rapport avec la construction. En plus, il me permettait d’aborder la question d’une réappropriation artisanale consistant à refaire un squelette avec ses qualités propres de légèreté et de compacité. Si l’on considère la taille d’un squelette par rapport à la fonction qu’il assume pendant un certain nombre d’années pour nous permettre de naître, grandir, mourir et disparaître, cela peut amener à des questions métaphysique et reste très magistral.
CF : Tu sembles poser dans ton travail la question du statut de l’artiste, notamment quand tu te représentes dans « L’homme volant », planant au-dessus du paysage. Et aussi dans l’oeuvre des Policiers où tu apparais déguisé en policier sur des sortes de panneaux d’affichage. Est-ce une manière de ne pas différencier le policier de l’artiste ou de montrer que l’artiste peut ressembler à un policier et inversement ?
XV : J’ai réalisé une enquête pour apparaître comme un policier plausible, en faisant des recherches sur les couleurs des uniformes. Il s’agissait de poser la question de notre situation sociale dans une organisation que l’on n’a pas forcément choisie. Ces policiers sur des panneaux publicitaires et représentés dans un cadre champêtre cohabitaient également avec ces petits policiers, faits juste en dessous de la taille légale réglementaire. Ils proposaient une sorte d’alternative décalée et champêtre. Il s’agissait simplement d’un policier qui met ses vélos à l’arrière de sa voiture et part à la campagne, sauf qu’il était représenté en uniforme. Mon intention était d’articuler la fonction et l’être d’un manière assez générale.
CF : Quand tu te représentes en singe dans une autre de tes oeuvres, cherches-tu à jouer avec le statut de l’artiste, à le faire descendre de son piédestal ?
XV : Non, car j’ai une très haute opinion de la fonction d’artiste, mais j’essaie de prendre de la distance par rapport à ce statut. Ce qui m’intéresse dans le champ de la perception, c’est de choisir et créer des situations privilégiées. Par rapport à mon rôle d’artiste, je n’ai pas l’impression d’inventer mais plutôt d’établir des relations, des courts circuits entre des références visuelles de différente nature. Je ne connais pas n’ai l’angoisse de la page blanche, de la création, car je me déplace dans un espace ; si je suis intéressé, je m’arrête, sinon je continue.
AB : Nous pourrions montrer pour finir une image de l’oeuvre qui contribué à conceptualiser ce qui a ensuite été appelé l’esthétique relationnelle : « Le feu ». Il s’agit d’une cheminée qui alimente des fantasmes de contemporanéité ou de modernité.
XV : Cette oeuvre a été présentée sous différentes formes. J’essaie de « mettre en l’air les choses », ce qui correspond à nouveau au système économique, dont je dirais qu’il cherche à se débarrasser des choses lourdes. Par exemple, les entreprises sous-traitent l’essentiel de leur production et ne deviennent qu’une idée, une marque. Dans le travail de production intellectuel, je pense que l’on se débarrasse de nos actifs et on construit une idée. Pour revenir sur l’esthétique relationnelle, j’ai été surpris de constater qu’une relative force constituée de gens mis en réseau s’est évanouie quand chacun a plus ou moins connu le succès. Même si des artistes comme Dominique Gonzalez-Foerster ou Pierre Huyghe ont continué à apprécier la convivialité des expériences communes, elles ont été mises à mal sous la pression de notre mode économique qui fait qu’au moment d’une exposition de groupe, certains sont déjà repartis sur d’autres projets.
CF : Pourquoi retrouvons nous dans « Le feu » et d’autres oeuvres ( « Le tour du potier », « Le menuet ») une forme circulaire ?
XV : Il s’agit de l’idée de boucle, de forme dynamique qui est à la fois finie et infinie car le cercle est fini mais son mouvement, sa circonférence est infinie.