Oh ! Quoi ? Ici.

Jean Dupuy, Dune pierre deux coups, 1990. 
Courtesy Galerie Loevenbruck, Paris. 
Photo: Brasille-Petrova
© ADAGP, Paris 2013
Jean Dupuy, Dune pierre deux coups, 1990. Courtesy Galerie Loevenbruck, Paris. Photo: Brasille-Petrova © ADAGP, Paris 2013
du 19 avril au 1 juin 2019

Exposition personnelle de Jean Dupuy.

Toutes les pierres ici exposées, en provenance de Porto Rico, du lit de l’Adige à Vérone, de la plage des Anglais à Nice, de Pierrefeu et d’un peu partout, si discrètes et facétieuses soient-elles, racontent comment le travail de l’eau et celui du regard participent à la même écologie créatrice. L’eau arrondit des roches saillantes, creuse dans les méandres de leurs zones tendres. Elle polit à l’extrême et fait naître de leurs veines des lettres (o, x, i, c, v, q en pagaille), des signes, des lignes de partition et révèle, comme dans un bain d’argent, embusqués dans les plis des polypes, des profils animaux, des visages grotesques, que le paréidologue Dupuy scrute à la loupe. Ces œuvres discrètes sont importantes parce qu’elles transforment ce geste de glanage qu’on a tous pratiqué (qui n’a jamais retrouvé dans sa poche un petit caillou à la banalité scintillante ?) en haïku minéral.
On pourrait penser que Jean Dupuy et Roger Caillois partagent un amour des pierres analogue, mais celles d’Ypudu trouvent leur richesse dans leur absence d’exception. Ce sont des galets sans valeur, des pierres charriées qui charrient le langage. Le galet usé « laisse à travers lui passer toute la mer », écrit Francis Ponge. Le galet laisse à travers lui passer tous les mots, y compris de surprise : Oh ! Quoi ? Ici.

Cette nouvelle exposition « Jean Dupuy » à la galerie Loevenbruck présente également, dans une seconde partie, les anagrammes systématiquement associées à chaque œuvre. La partition scénographique dessine un horizon à deux dimensions, matérielle (les pierres) et linguistique (les anagrammes). Mais la langue entre dans la matière (les lettres sont dans les pierres) et la matière entre dans la langue (le texte est matériellement incarné sur papier en lettres de couleurs).

Si l’anagramme, dans l’œuvre de Jean Dupuy, agit comme un commentaire poétique arithmétiquement et minutieusement cadencé, avec le temps, ces petites frénésies truculentes de la langue sont devenues des réductions épurées, des pierres écrites, œuvre de patience, où il ne reste plus que l’essentiel. « Ce qui est simple est ce qui est le plus difficile à faire », précise-t-il. « Ce qui est court se lit plus vite aussi. » Comme un galet au crâne lisse, c’est son caractère que de dire ce qui est évident mais pas si facile à dire. C’est son caractère que de dire ce qui est facile à dire mais pas si facile à faire. « Essayer d’imaginer le temps qu’il a fallu à la nature pour écrire ces chiffres me donne le vertige », peut-on lire dans l’une de ses anagrammes. À quatre-vingt-treize ans, Jean Dupuy fait depuis longtemps partie de l’histoire. Pourtant il est léger comme l’air qu’il fredonne. « Le reste ce n’est pas très important », ajoute-t-il. Ce que disent les pierres de Jean Dupuy, c’est que le galet trouvé est magique parce qu’il est en puissance l’inusable expression du langage. Ça, c’est important, c’est un talisman, c’est l’art de la joie.

Pierre Baumann, Pierres. Jean Dupuy, mars 2019

Dates
19 avril - 1 juin 2019
Horaires
Du mardi au samedi, de 11h à 19h
Lundi sur rendez-vous
Entrée libre
Visites
Visites commentées gratuites
mercredi 12h, samedi 12h et 16h