Outside a Nut
* « she’s the greatest thing that ever came out of Brazil, outside a nut »
Carmen Miranda était une surface séduisante : à Hollywood elle incarnait l’exotisme et la sensualité latine; au Brésil, bien que portugaise de naissance, elle personnifiait le concept de brasilianité, c’est-à-dire qu’elle était devenue le symbole de l’identité nationale du pays promue par Getulio Vargas, elle, la blanche, qui empruntait aux Bahianaises, qui vendaient les fruits qu’elles portaient sur leurs têtes, leurs coiffures, leurs danses et leurs cultures.
Natacha Lesueur prend pour point de départ les images de Miranda fabriquées par Hollywood. Dans ce travail, elle rejoue la face médiatique de l’actrice qu’elle reconstruit entièrement : poses, décors, maquillages, costumes. Ici encore, l’artiste, connue jusque-là principalement pour ses compositions visuelles, ornementales et alimentaires interroge l’en deçà des corps. Elle décalque l’image du personnage qui est à la base un assemblage de parures, de fruits et de fleurs et d’attitudes, recouvert d’idéologies. Enfermée dans la pose, contrainte dans des décors dans lesquels elle s’enfonce parfois, le double de Carmen s’incarne donc difficilement car les fleurs, les fruits, les bijoux ou les étoffes qui la recouvrent se fanent déjà.
Sa peau trop noire, trop blanche ou un peu verte est le stigmate d’une identité partagée jusqu’à la maladie. Son visage est un masque, son sourire est figé. Lesueur le redessine. Elle creuse ainsi la surface de son être complexe, politique, culturel, médiatique, traversé de contradictions et d’ambiguïtés. En rejouant les images de Miranda, icône cinématographique de l’exotisme, elle en fait la personnification d’un nouveau concept : celui d’une réification médiatique, raciale et sexuelle.
Natacha Lesueur fut lauréate du Prix Ricard s.a. en 2000 et résidente à la Villa Médicis à Rome en 2002-2003. Le Mamco de Genève et le Frac Languedoc-Roussillon lui ont consacré une exposition personnelle respectivement en 2012 (Je suis née ect., monographie Surfaces, merveilles et caprices, texte de Thierry Davila, Editions Les presses du réel) et en 2013 (Ne me touche pas).
* « Copacabana », (1h32, réalisé en 1947 par Alfred E. Green avec Groucho Marx, Carmen Miranda, Steve Cochran).