Rituels
L’exposition Rituels. propose un ensemble d’œuvres qui manifeste par leur signification ou leur mode d’élaboration une possible célébration contemporaine de la nature.
« Comment certains artistes rendent-ils compte, avec des moyens matériels traditionnels ou actuels, de forces supposées « supérieures » ou échappant à la raison? Comment manifestent-ils aujourd’hui cet impératif qui incite l’homme à exalter ou à honorer son environnement pour s’attirer les faveurs divines, la vigueur animale ou conjurer la violence de la mort ?
Les rituels se manifestent par un double mouvement. Dans un premier temps, il s’agit de prendre du recul, d’observer la nature ou de la contempler, de la décrire, de la rendre « possible »: on raconte la nature en lui découvrant des origines et une organisation.
C’est le rôle du mythe.
Dans un deuxième mouvement, on se rapproche de la nature en quelque sorte, en cherchant à agir sur elle, par des actions profondément significatives et liées aux mythes qu’elles manifestent : c’est le rôle du rituel, constitué de paroles proférées, de gestes accomplis et d’objets manipulés.
On ne donnera aucune explication trop précise à l’exposition Rituels. : aucune pièce ne vient en justifier une autre, mais l’ensemble des pratiques mises en scène ici, ou manifestées là, constitue autant de facettes d’une possible unité narrative dans l’exposition. Un mythe est en effet la totalité de ses variantes, « il n’y a pas de bonne version [d’un mythe], ni de forme authentique ou primitive, toutes les versions doivent être prises au sérieux ». (1)
En guise de fil conducteur on se contentera donc de suggérer quelques pistes d’investigation :
– l’éloge, mystère et mystique du règne animal dans les œuvres de Julien Salaud, Théo Mercier, Markus Hansen ou Alexandre Joly.
– l’errance contemplative, dans Grand Capricorne, une vidéo d’Alex Pou librement inspirée de l’ermite Knud Viktor qui, selon la légende, « entend tout », des vers creusant les arbres aux météorites rentrant dans l’atmosphère.
– la contemplation des phases de la lune et des variations du ciel, qu’Ann Craven peint avec systématisme en plaçant son chevalet à l’air libre, durant la nuit (série des Lunes Shadows Moon).
– les représentations symboliques ou fantasmatiques du cosmos et du vivant (aquarelles de Vidya Gastaldon, dessins de Julien Salaud).
– la surface poétique d’un objet auquel on donne une force symbolique : Trouvé, manipulé, transformé (Laurent le Deunff), passé de l’empreinte du vivant au monde fonctionnel du design (Julia Lohmann), ou dévié de son origine et vidé de son usage (Stéphane Vigny).
– La scansion hypnotique et la vibration du temps dans l’oeuvre de Neïl Beloufa.
Construite comme un parcours immersif et peut-être initiatique, l’exposition propose une mise en relation synesthésique des œuvres, par l’intermédiaire de gestes, de sonorités, de pratiques et d’échos formels qui invitent le spectateur à quitter un moment la réalité urbaine pour prendre part à cette illusoire cérémonie ».
Gaël Charbau, mars 2011.
(1) Claude Lévi-Strauss, entretien avec Didier Eribon.