Somebody sitting there...
Exposition personnelle de Jiří Kovanda.
Somebody sitting there… pourrait être le début d’un récit au présent, une scène qui se révèle au théâtre, un cadrage cinématographique, la description d’une action ou simplement un arrêt sur image, un moment figé; une invitation adressée au spectateur.
La pensée libre et informelle de Jiří Kovanda engage tous les médiums (sculpture, peinture, photographie, installation), les genres (la nature morte, le tableau vivant, la performance, le document photographique) et emprunte différents formats de représentation.
De ses performances des années 70 à sa dernière proposition présentée à gb agency, l’exposition dessine une ligne, discontinue et non chronologique que l’on peut suivre pour mieux comprendre le terrain dans lequel se déploient les tentatives de communication de Jiří Kovanda depuis quarante ans.
L’exposition questionne la nature du geste artistique chez Jiří Kovanda. A quel moment son travail fait-il oeuvre: dans les rues de Prague, lorsque l’artiste se retourne à contre sens dans un escalateur ou lorsque cette action est reproduite, documentée par une photo légendée et datée sur un papier A4 ? Dans le temps d’exposition lorsque l’artiste dépose, à son insu, des bonbons dans le sac d’un visiteur ou dans la sphère intime de celui-ci, lorsqu’il rentre
chez lui et qu’il le découvre ? A quel moment un objet du quotidien, aussi simple et anodin soit il, devient oeuvre d’art ? A quel moment Jiří Kovanda décide t-il de dé-cadrer le réel d’un presque rien pour créer du fictionnel ? Car
dans ce travail tout est question de cadrage et de dé-cadrage, de glissements de territoires, du réel vers celui de l’art. Tout en affirmant une économie de moyen, Jiří Kovanda transgresse les champs d’actions et déstabilise la temporalité de l’exposition.
Female Gender of the Noun Hunter (2018), présentée à la galerie, témoigne de cette relation entre différents formats de représentation: performance le jour du vernissage, sous la forme d’un tableau vivant, elle devient une nature
morte désincarnée jusqu’à la fin de son exposition. Jiří Kovanda joue de ces équivalences formelles, à la frontière entre la réalité et sa représentation, entre le hasard et la composition, entre l’arrêt sur image et la séquence.
L’exposition Somebody sitting there… déploie un paysage cinématographique dont le titre amorcerait une narration, mais il s’agit d’avantage d’un hors-champs, aux bords de la performance, de la sculpture et du théâtre. Toute l’exposition se construit sur des moments figés, mais aussi des obstacles pour le spectateur dans sa circulation dans l’espace, ou un empêchement à voir ou comprendre. Des compositions, peut être préalablement écrites, esquissent une ligne poreuse entre l’espace public et privé. Des sculptures en bois réalisées dans les années 90 à partir d’objets ordinaires trouvés, souvent rejetés par la société et réinvestis par une sensibilité poétique minimale, aux collages dada, pop ou extrêmement personnels, l’oeuvre de Jiří Kovanda souligne l’espace qui sépare l’individu de ‘l’autre’. Que ce soit à Prague, dans un espace public et politique hostile des années 70, ou à Paris aujourd’hui dans un espace d’exposition délimité, l’urgence semble être la même: résister avec douceur, en privilégiant l’individu et sa fragilité, tout en imaginant des dispositifs de communication.