SOUS LE VOLCAN
Une exposition personnelle d’Isabel Michel
Une première rencontre «sur catalogue» aurait pu nous écarter à jamais de la peinture d’Isabel Michel. La reproduction de ses tableaux sur papier ou support informatique dit infiniment peu de l’uppercut décoché à l’atelier en découvrant son travail. Etonnés d’être encore debout après la violence d’un tel choc, on se prend à imaginer l’exposition future. Puis, progressivement, on glisse de la possibilité à l’évidence.
Dans ce face-à-face se révèle la sauvagerie d’une artiste habitée par ses chimères, ses obsessions et ses drames, servie par un dispositif coloriel et formel qui paradoxalement révèle un certain optimisme.
Inutile de chercher à décortiquer ces formes, ces transparences, ces couleurs, et les jeux entre ces paramètres,car ici, le tableau fait bloc, l’enjeu est ailleurs; dans le sursaut vital qui surgit à travers chacune des pièces.
Une écriture atypique dans le champ de la peinture abstraite qu’on pourrait qualifier, s’il fallait absolument le faire, d’«abstraction paysagée». Si l’abstraction a longtemps dominé la peinture d’Isabel Michel, c’est seulement en 2005, avec la réintroduction du blanc, -qui permet aux formes de se découper d’une façon plus incisive- que l’évocation du paysage s’est subtilement imposée.
Sans pour autant basculer dans une approche réaliste, la petite dose de figuration nous rapproche davantage d’un paysage hallucinatoire ou d’un décor futuriste des années 70.
L’expérience chez Isabel n’est pas chimique mais bien picturale. Ses champignons sont l’art sous toutes ses formes, bien évidemment la peinture, le cinéma mais aussi la littérature dont elle est une grande
adepte.
Par l’abstraction paysagée se glisse l’évocation du paysage dans certains tableaux abstraits mais aussi l’idée du savoir-faire des grands paysagistes. Tout comme eux, Isabel choisit chaque détail de la composition avec une grande minutie. Elle cherche une synthèse, une mise en équation car «tout doit
tomber juste et vivant».
Le tableau, bien que résultant d’un jet pulsionnel, exclut toute forme d’improvisation. Dès lors l’acte de peindre s’exerce «sous l’emprise d’une sensation très forte habitée par les couleurs et les formes».
Pour cette première exposition à la galerie Valentin, le choix s’est porté sur des peintures réalisées par Isabel au cours de la dernière décennie, témoignant d’une écriture mature et habitée, à rebours des fulgurances commerciales que l’on connait aujourd’hui.
Ici, l’œuvre est en chemin et elle se construit dans une éructation impérieuse, « obsédée de retrouver ce moment de rencontre avec le paysage».
Philippe Valentin