TROU NOIR
Le « trou noir » est une « région » de l’espace où le champ de gravité est si puissant que rien ne peut s’en échapper. En l’état actuel des recherches, le trou noir ne peut être observé directement. En revanche, il peut être détectable par son action sur son environnement. Le « trou noir », c’est aussi la perte de mémoire.
Le « trou » quant à lui évoque la cavité, l’orifice, l’abaissement, l’enfoncement, la défaillance, le manque. Christelle Familiari touche ici autant à l’astro-physique ou à la science-fiction (domaines à fortes connotations masculines) qu’à tout ce qui « tourne autour du trou », soit le sexe féminin, l’incomplétude, l’absence, le vide, etc.
Christelle Familiari a conçu cette exposition comme un ensemble de variations, chaque pièce étant reliée à une ou plusieurs autres selon différents procédés. La très étrange sculpture verticale qu’on découvre en entrant (Divers) est par exemple une version domestique d’une sculpture conçue pour l’espace public (proposition pour une commande publique), elle-même construite à partir d’une modélisation en trois dimensions d?un collage (reproduit sur le carton de l’exposition).
Les photographies accrochées dans la première salle ont été prises avant, pendant et après l’exposition que l’artiste vient de réaliser au centre d’art La Criée à Rennes. Au fond de l’espace se détache, sur un mur gris, une énorme forme blanche sphérique (Entrelacs) : résultat d’un emboîtement de modules composés par entrelacement répétitif de fil de fer gainé de blanc. Érection et affaissement simultané. Une série de lithographies (Ensemble vide) retrace les évolutions de travaux antérieurs de l’artiste : l’ensemble est conçu sur le modèle du dessin d’animation mais, puisqu’il s’agit de lithographie, c’est la même pierre qui a été utilisée à chaque fois. Certaines images annoncent la suite : trois vidéos conçues dans différents lieux publics à Berlin. Dans chacune, un personnage est affublé d’une ample jupe noire. On y voit une forme vaguement humaine se mouvoir de bien curieuses manières : elle rampe le long d’un banc ; va et vient en courant maladroitement ; reste immobile, recroquevillée sur un tourniquet en mouvement. Tourner, courir, ramper ? trois actions minimales qui, dans ces vidéos, apparaissent à la fois parfaitement grotesques et mystérieusement séduisantes.
On l’aura compris, Christelle Familiari joue sur la forme et l’informe ; le mou et le dur ; les pleins et les vides ; l’exhibition et la disparition ; la rigidité et l’abandon ; la construction et le laisser-aller. Tout cela n’est pas plus rose que bleu. Il n’y a d’ailleurs qu’une couleur dans l’exposition : du gris.
(Elisabeth Wetterwald)