Vittorio Santoro «Le hibou tourne la tête pour regarder ailleurs»
La Fondation d’entreprise Ricard est heureuse de vous présenter la première exposition solo institutionnelle à Paris de Vittorio Santoro.
L’exposition intitulée Le hibou tourne la tête pour regarder ailleurs se concentre sur un aspect particulier de l’œuvre, installations allusives et pièces sculpturales, sans négliger néanmoins certaines ramifications de la pratique de Santoro, plus familières au public, telles que les time-based text works et les œuvres participatives à base de textes. L’artiste proposera également des dessins et des installations spécialement conçus pour l’exposition. A cette occasion, la publication d’un nouveau livre d’artiste révélera un matériel inédit provenant des archives de l’artiste sur ses recherches en cours.
Le travail de Vittorio Santoro est enraciné dans l’observation du quotidien, qu’il transcende en révélant ses réalités historiques, esthétiques, socio-politiques, ou même métaphysiques latentes. Sa pratique est tantôt marquée par des compositions visuelles complexes, par la fusion de références variées, tantôt par des gestes dépouillés et chargés à la fois. L’artiste s’intéresse surtout aux mécanismes sans prétention de l’ordinaire, où il étudie attentivement les comportements individuels, comment ils jouent au sein de grands réseaux de clichés, d’idéaux communs, de modèles d’autorité, ou de procédés impliquant la manipulation et le pouvoir.
L’installation Reciprocal Scrutiny (bordereau) (2009) évoque l’ambivalence de la perception. Une photographie re-photographiée du soi-disant « bordereau », note diplomatique écrite à la main, et aujourd’hui conservée dans les Archives nationales françaises, apparaît en évidence dans une image presque noire, comme si l’histoire s’était transformée en une entité spectrale. Ce « bordereau » servit à incriminer Alfred Dreyfus dans la fameuse « affaire » de 1894. Sur le mur opposé les mots « Reciprocal » et « Scrutiny » en texte néon suggèrent une relation dialectique avec le document opaque, réminiscence du Carré Noir de Malévitch. Cet agencement de l’image et du texte libère un espace vide au centre du dispositif, il ouvre un passage silencieux au spectateur où les voix du présent et du passé se chevauchent. C’est l’une des caractéristiques du travail de Santoro : le capital politique de la pièce est largement « réfracté » par des stratégies visuelles et spatiales de distanciation, des effets de miroir et d’inversions, mis en œuvre avec une économie de moyens.
Pour Santoro, même les situations alambiquées sont ancrées dans l’ordinaire et subsumées par lui. La pièce Goodbye Darkness IV, Elephants Don’t Play Chess (a loose conversation on some aspects of BWV 1001-1006 with Kerwin Rolland) (2010) consiste en l’assemblage de plusieurs objets industriels: un store vénitien percé par un tasseau de bois, associé à un intérieur; deux miroirs face à face (un suspendu), se reflétant l’un l’autre et créant, de facto, une réflexion infinie ; deux ampoules émettant une lumière pulsée (programmée en fonction d’un cycle provenant de l’enregistrement sonore d’une phrase particulière, qui, à son tour, a été permutée, visible dans les légendes accompagnant l’œuvre). La pièce, librement inspirée par la structure polyphonique notamment des 6 Sonates et Partitas pour Violon écrites par Johann Sebastian Bach en 1720, est pleine de résonances stimulées par ce langage construit et composé d’un rythme muet -le jeu de lumières des ampoules. Cette pièce, placée dans un angle, s’imbrique à l’espace environnant par des réflexions, des symétries partielles ou échos formels.
L’exposition présente également différents time-based text works connus du public. Des fragments de textes sont disposés sur l’étendue blanche d’une feuille de papier, retranscrits et travaillés presque comme une sculpture par leur inscription quotidienne répétée au même endroit au moyen d’une pointe de graphite, durant une période allant de trois à six mois voire plus.
D’autres œuvres telles que l’insaisissable série de dessins 7 Erased Contributions (2008-) ou l’installation intitulée The void left by things (2010/ 2012), impliquant la participation de l’équipe de la Fondation d’entreprise Ricard montrent une autre facette de l’examen du quotidien par Santoro. Ces deux groupes d’œuvres sont ancrés dans l’intérêt de l’artiste pour la relation entre le spectateur et le producteur, entre l’acte de création et de réception, et comment cette relation joue dans le contexte formel de « l’exposition ». Elles sont basées sur des scripts qui impliquent la participation d’autres individus ou d’un groupe de personnes à la construction des pièces, et soulève, en dernière instance, la question de la fonction sociale de l’art.
Enfin, des œuvres spécialement conçues pour cette exposition en compléteront le propos tels que Tâches de soleil dans la forêt (2012), un cycle de lumière diffusée dans les locaux de la Fondation, ou une nouvelle installation sculpturale en plusieurs parties évoquant le cosmonaute soviétique Y. A. Gagarine, transformé malgré lui en mascotte humaine populaire pour servir la propagande politique durant la Guerre Froide.
Daniel Kurjakovic, novembre 2011
Un cycle de performances et événements intitulé Ponctuations accompagnera l’exposition. Le nouveau livre d’artiste D(a)edalus, my father’s horse taken from the mill, a tourné en rond autour d’une statue de... présentera un matériel inédit des archives de l’artiste, incluant un essai de la critique anglaise Rebecca Geldard.
Vittorio Santoro participera également à l’exposition Le nouveau festival au Centre Pompidou (Février – Mars 2012) avec l’installation sonore You Are Still Here (2008/2011). Parallèlement à l’exposition, Vittorio Santoro publie aux éditions Yvon Lambert un ouvrage a edition limité intitulé Silence Destroys Consequences.
L’exposition s’inscrit dans la manifestation DRAWING NOW Le Parcours. Elle bénéficie du soutien du Swiss Arts Council Pro Helvetia.