Évènement

À Cris Ouverts Les Ateliers de Rennes

La Fondation d’entreprise Ricard a apporté son soutien aux œuvres des artistes Meriem Bennani et Anne Le Troter dans le cadre de À Cris Ouverts – Les Ateliers de Rennes – Biennale d’art contemporain.

Meriem Bennani, Siham & Hafida, 2017

La Criée centre d’art contemporain

Installation vidéo (30 min)

Depuis New York, où elle vit depuis plusieurs années, Meriem Bennani remet en scène les images et clichés véhiculés sur la culture de son pays d’origine, le Maroc, s’intéressant principalement à la place des femmes et au détournement qu’elles opèrent des coutumes musicales ou vestimentaires. Célèbres au Maroc, Siham & Hafida ne s’étaient jamais rencontrées avant que M. Bennani ne décide d’en faire les deux protagonistes de son film (2017). Hafida, la plus âgée, est une chickha consacrée, une chanteuse populaire s’inscrivant dans la tradition orale de l’aïta. Ce style musical aux paroles irrévérencieuses à l’égard de la société coloniale établie au Maroc à la fin du 19e siècle accompagnait habituellement la tenue d’événements importants et constituait un appel à l’émancipation. Aujourd’hui, cette tradition perdure mais à travers de nouvelles figures, comme la jeune Siham, dont les performances sont largement informées par Internet et relayées sur les réseaux sociaux. À la manière d’un docu-fiction, M. Bennani filme Siham et Hafida dans leurs singularités et divergences, interrogeant à leurs côtés, la mutation des traditions locales et de leurs modes de transmission à l’aune de la mondialisation.

Dans l’espace de La Criée, le film éclate en une multitude de projections au sein desquelles la narration se diffracte et s’amuse parfois de l’apparition d’effets d’animation ; ici un crabe, là un papillon qui viennent chatouiller les convictions des deux protagonistes.

Anne Le Troter, The Four Fs: Family, Finances, Faith and Friends, 2018

Halle de la Courrouze

Installation, matériaux divers

Les installations sonores d’Anne Le Troter sont peuplées de voix. Au cours des dernières années, on a pu y entendre des enquêteurs téléphoniques réciter des phrases pré-écrites, des prothésistes dentaires balbutier ou encore des aficionados de l’ASMR (technique de relaxation sonore) chuchoter à nos oreilles. Pour cette artiste, chez qui les références sont tout autant du côté de la littérature que des arts visuels, la parole est un champ d’investigation en soi. Le texte s’y incarne et s’y crée dans une mécanique matérielle des corps. Cependant, si la bouche est présente à travers bégaiements et soins dentaires, A. Le Troter s’intéresse surtout à la façon dont le langage se formalise en normes (jargons de communautés, vocabulaire dit « corporate », langage scientifique ou psychanalytique) qui organisent les corps.

Pour cette nouvelle production intitulée The Four Fs: Family, Finances, Faith and Friends [Les quatre F : Famille, Finances, Foi et Amitiés], A. Le Troter est devenue cliente d’une banque de sperme privée implantée dans le sud des États-Unis. Elle s’est tout particulièrement intéressée aux voix des employé·e·s (à 90 % des femmes) auxquel·le·s la firme demande de décrire le physique et le caractère des donneurs dans le but de compléter leur portrait anonyme. Destiné à faciliter le choix des client·e·s dans le catalogue, ce portrait est créé à partir de divers éléments : une photo du donneur enfant, l’enregistrement de sa voix répondant à des demandes telles que « Le donneur  5417 nous parle du type de choses qui le rendent heureux », l’enregistrement de la voix de l’employé·e le décrivant, et enfin, un paragraphe-portrait résumant ces informations intitulé « apprenez à connaître le donneur ». Pour cette installation, A. Le Troter nous fait pousser la porte d’une chambre froide où pendent des rideaux constitués de paillettes, ces petits tubes spécifiquement conçus pour une cryoconservation du sperme humain. Là, dans cette petite salle les centaines de voix féminines ont été compilées et mixées dans une répétition de numéros d’immatriculations et d’adjectifs qualificatifs donnant l’impression d’une comptine aux accents étrangement préadolescents. Dans un aquarium, des lentilles de contact colorées se meuvent dans une suspension rassurante et attractive, tandis qu’un diaporama de portraits tourne en boucle en écho à la mécanique des voix. A. Le Troter nous donne à voir et entendre les rouages de la commercialisation de nos désirs de reproduction, de ressemblances et de différences, d’unicité et de succès, laissant planer une évidente ambivalence entre désir d’émancipation et aliénation.

Date
Entrée libre