Plein feux
Patrick Javault reçoit Stefan Nikolaev, artiste et Emile Ouroumov, curateur et critique d’art à l’occasion du lancement de la monographie One for the Money, Two for the Show.
De briquet monumental et de luxe en paquet de cigarettes géant dressé comme une stèle, ou couché comme un tombeau, en passant par des Marlboro boxes ou par un pictogramme d’interdiction détourné, le tabac est pour Stefan Nikolaev une source majeure d’inspiration. Sans doute y trouve-t-il là matière à réflexion sur, en vrac : les sources de la création, les rêves offerts par la publicité, la séduction du néant, la brièveté de l’existence, mais aussi sur un produit de consommation qui concentre en lui l’idée de liberté et le goût de la transgression. D’ailleurs, Nikolaev a pour grand projet d’affréter un vol transatlantique exclusivement réservé à des fumeurs.
Mais à côté de cette thématique de fumée, l’artiste aime se jouer des catégories, croiser le pop avec le conceptuel, jouer sur les mots pour répondre de façon déconcertante aux thèmes d’expositions internationales auxquelles il est invité. Il peut encore réécrire l’histoire en confrontant la statue d’un héros bulgare avec celle d’un héros suisse, ou confronter l’individualisme de l’art contemporain occidental et le productivisme artistique tel qu’enseigné en Bulgarie, son pays d’origine.
Sur la couverture de la monographie que publie les Presses du Réel (One for the Money – Two for the Show) figure: « I hate America and America hates me », une sculpture où le coyote de Chuck Jones est affublé de la couverture et de la canne employées par Beuys au cours de sa célèbre action de 1974 au titre exactement contraire. Le retournement du message d’amour en message de haine et la substitution d’un héros de la culture populaire américaine à la figure dérangeante de l’artiste chaman, sont une bonne introduction aux stratégies obliques de Nikolaev. D’elles et d’autres choses, nous parlerons avec lui et Emile Ouroumov, critique venu en camarade.