Nouveaux médias : énergie de la postmodernité
Pour ce rendez-vous de l’imaginaire dont le thème sera les nouveaux médias : énergie de la postmodernité, Michel Maffesoli réunira Thomas Jamet de l’agence Reload Communication, François Banon, Vice-président Disneyland publicité Europe et Stéphane Hugon, sociologue.Cet échange s’appuiera sur le constat suivant : alors que les médias traditionnels sont en crise, de nouveaux médias (mobiles, écrans digitaux, internet) émergent et modifient ainsi les réflexes de communication établis en insufflant un nouveau rythme.
Ils multiplient les possibilités d’échange, de rencontres rendant le monde plus petit et imposent de nouvelles règles à la circulation de l’information. Une autre forme de communication, plus créative est aujourd’hui proposée à l’homo ludens. C’est cette énergie postmoderne véhiculée par les médias de pointe qui sera notamment analysée durant ce débat.
Le thème abordé au cours de ce rendez-vous de l’imaginaire était Les nouveaux médias en tant qu’énergie de la postmodernité. Cet échange s’est appuyé sur le constat suivant : alors que les médias traditionnels sont en crise, de nouveaux médias (mobiles, écrans digitaux, internet, etc.) émergent et modifient les réflexes de communication établis en insufflant un nouveau rythme et un autre rapport espace-temps. ?Ils multiplient les possibilités d’échange, de rencontres rendant le monde plus petit. Ils imposent de nouvelles règles à la circulation de l’information. Pour donner un cadre à la discussion, Michel Maffesoli a d’abord rappelé l’implacable processus d’abstractisation qu’il y a eu tout au long de la modernité, à travers trois temps forts où « ce qui était illustré, exhibé s’évacue progressivement à travers cette figure ». Les enluminures des incunables que l’on a vu progressivement se modifier, se simplifier (lettrine) pour in fine totalement disparaître (Cf. ouvrage de Léon Bloy). Les cathédrales, considérées en leur temps comme de véritables livres permettant à tout un chacun de lire des histoires via les statues. L’époque moderne a initié une désillustration des ces architectures pour aboutir au Bahaus. Enfin, la liturgie véritable mise en scène avant de s’abstractiser et de se protestantiser. Aujourd’hui, il y a « rébellion de l’imaginaire ». Et de nouveaux médias plus en accord avec la socialité ambientale apparaissent. Désormais, il y a une véritable crise de cette abstraction, point culminant de la modernité. Alors, il n’est pas question de faire tabula rasa mais plutôt de revenir à des fondamentaux et de les mixer avec une énergie postmoderne. Michel Maffesoli a défini en son temps la postmodernité comme la synergie de l’archaïque. Avec, l’Internet, les mobiles, les écrans digitaux, etc., on voit revenir de l’archaïque mixer avec l’idée fondamentale de « toucher l’autre, de rentrer en contact selon les 3C Circulation, Commerce et Création ». Il y a toujours de l’énergie vitale mais qui se modifie quelque peu jusqu’à mettre l’accent sur – non plus un simple homo sapiens sapiens mais sur un homo ludens et même demens. Ces nouveaux médias font revivre ces archétypes tout en les catapultant dans le 21e siècle. François Banon a rebondi sur ces idées de nouvelles circulations, de crise de l’abstraction et de retour à l’émotionnel et aux rêves en formalisant les applications concrètes qu’il a mis en place pour la communication de Disneyland Paris. À son arrivée au poste de responsable de communication Europe, il a construit sa stratégie de communication en lisant Bruno Bettelheim et sa psychanalyste des Contes de fées (Robert Laffont, 1976). « La communication est comme l’analyse dans la mesure où ce qui compte, ce ne sont pas les éléments, c’est l’interprétation que les gens en ont ». Comme pour illustrer l’idée de l’enracinement dynamique chère à Michel Maffesoli, François Banon rappelle que toute l’inspiration de Walt Disney est européenne puisqu’il y est venu dans les années 30, ramenant près de 350 livres de contes de fées. Walt Disney a crée à partir de ce substrat une œuvre originale, des contes universels, inspiré de Doré, de Perrault, des frères Grimm, etc., qui parlent à notre imaginaire. Disney remplace alors les conteurs du Moyen Age et crée avec de nouveaux médias – le dessin animé au format long métrage – des usines à rêves. François Banon n’a de cesse de remettre Disneyland dans ses racines européennes. Pourtant pour lui, le débat anciens et nouveaux médias est un faux débat puisque « tout est communication ». Il utilise aussi bien une collaboration avec Ladurée (pâtissier) pour faire la tête de Mickey en trois macarons que les 46 sites internet dédiés au site et aux attractions, le Bluetooth prochainement installé sur le site ou encore une connexion internet pour jouer avec Buzz Lightyear en dehors du parc. Pour Michel Maffesoli, Disneyland est la métamorphose des vieux contes et légendes. Les figures archétypales sont des nouvelles expressions, ainsi il y a de l’immanence et de la continuité.
Pour Thomas Jamet, l’Internet est LE nouveau média qui a radicalement changé la donne, a entrainé des modifications considérables et a bouleversé les habitudes de communication jusqu’à générer un nouveau paysage média. Les anciens médias (presse, radio, cinéma, affichage) sont certes encore présents, mais désormais avec l’Internet « on ne parle plus de média dans notre jargon, on parle de point de contact ». Rappelant ainsi que les fondements de tout médias – nouveaux ou anciens – sont bien de créer du lien social, de la socialité. La façon de travailler au sein des agences de communication s’est modifiée et adaptée et l’Internet a également modifié l’approche des consommateurs. Beaucoup plus avertis ils deviennent eux-mêmes des experts – possibilité de comparer les prix, partager les informations sur des marques, intégrer de nouveaux réseaux sociaux, etc. Du coup les constantes traditionnelles l’espace, le temps et la réalité en sont totalement bouleversés jusqu’à se con-fondre. Les professionnels de la communication ne comptent plus le temps en minute mais en nano seconde d’où cette idée d’accélération et préfèrent se référer au terme de Live plutôt que temps réel signifiant ainsi l’expression durandienne de temps einsteinisé (spatialisation du temps). Il y a donc une réelle évolution dans la façon de penser contemporaine à une sorte de distorsion du temps. Jamet se réfère alors à McLuhan lorsqu’il parlait de « village global ». En guise de conclusion à son intervention Thomas Jamet rappelle quatre verbatims consubstantiels à l’avènement de ces nouveaux médias. La relation aux autres et au monde – le lien social, la communauté ou la tribu pour reprendre une expression développé par Maffesoli. L’émotion, maître mot du 21e siècle, qui fait que il y a des pleurs, des rires, de l’effroi, de la nostalgie. L’animalité, cette part du diable (Maffesoli) pour se reconnecter à cette partie trop longtemps refoulé par une attitude coercitive moderne. Et la religiosité via la dimension totémique et iconique des ces nouveaux médias et notamment Internet. Thomas Jamet fait le pari « que ces nouveaux médias sans pour autant chercher à les moraliser sont l’énergie de cette nouvelle société ».
Pour clore ce rendez-vous de l’imaginaire de façon épistémologique, Stéphane Hugon reprend la vieille question fondamentale Qui de la poule ou de l’œuf est apparu le premier ? Comment penser ces transformations ? Sont-ce les inventions technologiques qui ont initiés les nouveaux médias ou sont-ce les émergences sociétales qui ont poussé les recherches technologiques qui ont pu ainsi déclencher les avancés que l’on connaît. Correspondance du social et du technologique. Pour illustrer son propos, il reprend trois moment forts. Qu’est ce qui fait qu’à un moment donné les cathédrales gothiques vont s’élever vers le ciel ? La technique gouvernerait-elle cette innovation ? Ou bien est-ce la nécessité pour les personnes de se rapprocher de Dieu qui aurait poussé la technique ? Il en est de même pour l’invention du transistor pour les radios. Ne peut-on penser que dans les années 60 il y avait un état d’esprit particulier, un imaginaire, qui a fait que les jeunes générations ne voulaient pas forcément écouter la même chose que leurs parents. Cela aurait poussé la technique à inventer le transistor pour rendre les radios nomades et permettre aux jeunes générations de se séparer d’une emprise parentale ? Et que dire de l’Internet qui est par essence un exemple de déhiérarchisation de la société. Pour Stéphane Hugon, « il y a déconstruction/reconstruction de la technique qui vient comme un écho à une transformation qui est avant tout la transformation d’une imaginaire et d’une relation sociale ». Enfin, il rend compte de deux conclusions d’une étude Références des usages High Tech en entreprise commanditée par Microsoft. L’innovation technologique ne provient plus exclusivement de l’entreprise. Les pratiques domestiques s’immiscent dans le monde professionnel et les relations sociales construites même au sein de l’entreprise vont se charger d’affect, vont s’organiser sur les thèmes du partage et d’une forme de plus en plus horizontale. On revient ainsi aux éléments clés mis en évidence plus haut : émotion et partage inhérents aux nouveaux médias qui sont les énergies postmodernes d’un nouveau lien social proche de l’esprit des communautés et des tribus.
Yves Mirande (CEAQ-CADIS)