Le temps de l'indignation
Partant du constat qu’à côté de la figure de « l’homo sapiens » est en train de s’ériger « l’homo lacrimans », ledébat protera sur l’analyse des diverses formes d’indignations morales: comment d’une manière hypocrite, on s’indigne de la misère du monde afin de se donner bonne conscience…..
Rencontre autour de J.F. Mattéi, philosophe professeur à Nice et membre de l’Institut Universitaire de France pour la sortie de son dernier livre « De l’indignation » paru à l’Edition La Table Ronde.
Maffesoli introduit le discours sur le bon usage de l’indignation, mettant en relief la richesse des références dans ce livre : de Platon à Hannah Arendt, de Max Scheler à la littérature, jusqu’au cinéma.
Il y a ici une réhabilitation du rôle de l’émotion en référence à la pensée de Scheler, ce thème de l’émotionnel qu’on trouve aussi chez Weber et qui crée une ambiance englobante. Pour Maffesoli il y a un glissement de l’homo indignus à l’homo lacrimence, en rappelant d’ailleurs Durkheim qui parlait des rites piaculaires ; donc il y a une fonction agrégative des pleurs en commun : on se colle aux autres. Le point critique qui fait ressortir Maffesoli c’est sur le relativisme, donc l’importance du relativisme dans la perspective simmelienne.
Il s’agit ici d’une mise en relation des valeurs, une manière de se purger du fanatisme et, contre les pleureurs, dire oui à la vie, à l’existence.
Ensuite Philippe Petit, journaliste à Marianne et essayiste (on rappel un livre d’entretien avec Baudrillard notamment) met en évidence le fait que Mattéi dans son livre, tente de penser une articulation possible entre éthique et politique. Il se concentre surtout sur l’indignation partagée en disant que la République est malade si n’est pas capable de s’indigner en partagent. S’indigner comme un acte morale, un soulèvement de l’âme (Bergson), un acte pure et non calculé (Lacan) qu’implique certains risques.
Pour Mattéi alors, nous vivons le temps de l’indignation. Il faut rendre compte d’une dose quotidienne d’indignation. Il s’agit bien d’un mouvement spontané de l’âme, un soulèvement de l’âme devant un cas exemplaire, en référence à Bernanos. Mais pour Mattéi il y a aussi des fausses indignations comme celles collectives par exemple, qui sont idéologiques (il porte l’exemple ici d’Attac, des alter mondialistes) et pas du coeur, et qui s’indignent de ce fait contre des entités abstraites. L’indignation par contre, renvoi toujours à une singularité : s’indigner devant un cas exemplaire. Et ce qui fait le mouvement de l’indignation (acte qui met en cause la dignité), ce mouvement affectif qui est de l’ordre du pathos, est une rébellion. On ne s’indigne jamais à soi même, mais encore une fois, devant un cas exemplaire. Dès lors c’est l’indignation devant la morte de Socrate qui à porté Platon à la philosophie, une discipline qui est né d’une indignation. L’indignation est le point de départ d’une prise de conscience de la morale, conscience qui naît dans les sentiments, les affects.
Pour conclure, devant cette crise morale que nous vivons, il est temps pour Mattéi, que nous retrouvions le bon usage de l’indignation.