Surfaces, merveilles et caprices
Patrick Javault reçoit Natacha Lesueur.
Qui a vu une fois une photographie de Natacha Lesueur en général s’en souvient durablement. Qu’il s’agisse de ces têtes coiffées de bonnet d’aspic ou de ces jambes gainées de chaud-froid, les préparations culinaires qu’invente cette artiste pour magnifier les corps, nous font sourire ou rire, par le culot et l’énormité de la proposition. Mais le sourire n’empêche pas qu’on se pose des questions, qu’on soit pris de doute devant des images qui si elles rappellent l’univers baroque, voire une certaine frange du surréalisme, nous retournent une vision crue de la beauté de grande consommation telle que la construit par exemple la publicité. Oubliés, les sous-entendus et les métaphores du désir, s’il s’agit d’envie, voire de passion, celles-ci sont bien dévorantes. Régression et transgression se complètent et font bon ménage.
Même lorsqu’elles n’invitent pas à la manducation, les œuvres de Natacha Lesueur établissent toujours une délicate balance entre le décoratif, le drôle, et l’inquiétant. De quelles passions ou pulsions secrètes sont animés ces corps qui se laissent couvrir d’empreintes, et de quoi seraient-ils coupables? Qui manipule ces têtes qui disparaissent sous une lampe ou croulent sous des coiffures extravagantes inspirées de la cour de Louis XV ou de Carmen Miranda, la sublime héroïne de Banana Split? A nous de nous débrouiller avec nos fantasmes, d’aller chercher refuge auprès d’Arcimboldo ou de nous faire notre propre cinéma (au choix: musical, comédie, noir).
En compagnie de Thierry Davila, auteur de la préface de ce livre-catalogue, peut-être l’artiste nous livrera-t-elle quelques secrets de fabrication et laissera-t-elle tomber quelques indices.
