Boris Achour
Boris Achour réalise des vidéos, des peintures, des dessins, des installations, des œuvres sonores. Amateur de littérature et de séries T.V., il s’interroge sur les conditions du passage, de la transformation d’un format spécifique (film, livre, feuilleton) dans un autre.
Ainsi a-t-il créé une œuvre sous la forme de cassettes vidéo faisant référence au roman de Gombrowicz, Cosmos. Concevant son travail comme un jeu de Lego permettant une combinaison infinie de modules, il propose des œuvres dont l’aspect chaotique, fragmentaire, sollicite le spectateur, invité à rassembler les éléments selon un scénario à inventer.
Boris Achour est Lauréat du prix Ricard SA 2002.
Il participe actuellement à l’exposition « Notre histoire » organisée au Palais de Tokyo et présente l’exposition « conatus (pilote) » jusqu’au 29 avril 2006, à la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois.
Catherine Francblin (CF) :
Sur le thème : « L’art d’organiser le chaos », nous recevons ce soir l’artiste Boris Achour et François Piron, critique d’art, commissaire d’expositions, co-directeur des Laboratoires d’Aubervilliers. Tous les deux appartiennent au comité éditorial de la revue « Trouble ».
Boris Achour est né en 1966. Il a commencé à se faire connaître avec ses « Actions-peu », micro-actions, photographiées et filmées, réalisées dans la rue. Ces actions se présentaient comme anonymes et éphémères, et faisaient figure d’énigmes dans l’espace urbain. Son œuvre se diversifie à partir de la fin des années 90, jusqu’à se présenter sous une forme éclatée qui fait obstacle à toutes les tentatives d’identification stylistique. Par exemple, il réécrit le menu qu’on peut lire sur une carte de pizzeria, il réalise un film type film publicitaire sur le lait, ou installe le visiteur en position d’acteur dans une exposition au décor de Sitcom.
En 2002, il présente une exposition personnelle au Palais de Tokyo : « Cosmos », en référence à Gombrowicz. Il s’agit d’un parcours de l’histoire du cinéma en 2000 cassettes-vidéo.
Au Palais de Tokyo, on a vu dans l’exposition « Notre Histoire… » un mobile auquel est accrochée une multitude de sculptures hétéroclites qu’il conçoit comme l’épisode n°1 d’un feuilleton à venir. Également en cours, sa première exposition, intitulée « Conatus », à la galerie Georges Philippe et Nathalie Vallois dont nous allons voir ce soir quelques images.
Nous allons orienter la soirée en suivant cinq thèmes à partir d’un choix d’œuvres très resserré opéré dans un corpus déjà riche.
Le premier thème abordé ce soir est « l’art d’organiser le chaos » : l’expression renvoie à Gombrowicz dont le roman « Cosmos » est décrit comme une tentative d’organiser le chaos.
François, pourquoi peut-on parler de l’œuvre de Boris Achour dans ces termes ? Ne peut-on pas dire que tous les artistes organisent le chaos, pourquoi est-ce spécifique au travail de Boris ?
François Piron (FP) : En 1998, Boris était l’un des premiers artistes que j’ai rencontrés. Il était lui-même au début de son travail et depuis nous n’avons jamais cessé notre collaboration. Nous avons entretenu toutes les relations qu’un critique et un artiste peuvent connaître : exposition, écriture, production de pièces.
L’expression « Organiser le chaos » est née d’une série d’expositions présentées à Montreuil pendant un an et dans lesquelles Boris était présent. J’avais demandé aux artistes de penser cette question du temps et de la succession des expositions les unes après les autres. Boris a répondu en réalisant une série d’œuvres qui n’avaient pas de points communs mais qui toutes portaient le même titre : « Cosmos ». Nous avons donc pensé à la possibilité d’une analogie entre son travail et la structure du roman de Gombrowicz qui, sous l’apparence d’un roman policier traditionnel, voire stéréotypé, mène une recherche plus abstraite sur le sens que l’on donne à des choses disparates et à priori insignifiantes. Il soutient l’idée que l’on peut travailler à partir de n’importe quoi, car ce qui importe c’est la structure, l’organisation, le système mis en place pour nommer et rendre signifiants des éléments disparates.
BA : En classant les images de ce soir selon 5 thèmes, j’ai réalisé que la majorité de mes travaux pouvait se trouver dans une catégorie ou une autre. J’ai donc organisé ces images arbitrairement. En réfléchissant à cette notion « d’organiser le chaos » je me suis souvenu de « L’aligneur de pigeons », une pièce extrêmement simple qui date de 95 qui fait partie de la série des « actions peu » mais qui, en même temps, entretient un rapport avec la sculpture que j’ai développée plus tard, notamment avec ce mobile, présenté au palais de Tokyo, que j’ai conçu comme un « pilote » (c’est-à-dire l’équivalent du numéro zéro dans la presse ou dans les séries TV) de l’exposition « Conatus » présentée à la galerie Vallois.
Ces mobiles sont une tentative pour relier, de façon spatiale et physique, des éléments hétérogènes. Il s’agit d’une rencontre, avec un vocabulaire de formes que l’on retrouve de mobiles en mobiles. « Conatus » est un concept philosophique développé par Spinoza où la notion du désir comme force motrice permet l’organisation dans l’action.
CF : Pourquoi t’intéresses-tu à cette notion ?
BA : J’ai fait une vraie rencontre avec cette notion de « Conatus » et comme cela me nourrit, j’ai eu envie de l’intégrer à mon travail.
CF : Peux-tu nous décrire les pièces de l’exposition à la galerie Vallois, à quoi leurs formes se réfèrent-elles ?
BA : Ce sont des sculptures réalisées à partir de matériaux variés : assemblage de pailles, des tubes de carton, polyuréthane, plexiglas miroir rouge, ce qui n’est pas spécifique à cette exposition. L’exposition se compose de quatre gros modules, d’une structure rouge au sol, d’une vidéo à l’entrée et d’une salle noire dans laquelle sont présentés les titres des œuvres. Le titre « Conatus pilote » est matérialisé et composé de 59 néons, car l’exposition dure 59 jours et les néons s’allument un par un, chaque jour.
Le facteur temps dans l’exposition m’intéresse. Je l’ai plus particulièrement développé dans l’exposition « Non-Stop Paysage » à FRI-art en suisse. Le pilote de cette série « Conatus » est pour moi aussi le début d’une collaboration avec la galerie Vallois, j’ai donc eu envie de le matérialiser.
CF : Peux-tu nous parler plus précisément de cette œuvre « Cosmos » présentée en 2002 au Palais de Tokyo.
BA : De la même manière que l’industrie du cinéma adapte des romans en films, j’ai eu envie d’adapter le roman de Gombrowicz en sculpture, en exposition. La réalisation de cette pièce est comparable à un processus, une machine à fabriquer des images puisque j’ai fabriqué des jaquettes avec ce qui m’est cher et ce qui me nourrit. Ces jaquettes constituent une somme de rencontres improbables, avec des acteurs que j’aime bien, des amis, des philosophes, des critiques, des musiciens…J’ai essayé de rassembler des sources d’inspiration très variées : c’est vraiment une tentative d’organiser le chaos. Cet alignement des 200 jaquettes sur une étagère de 40m de long renvoie aussi à la sculpture minimale.
CF : Cette pièce fonctionne beaucoup sur l’imaginaire puisqu’à partir de la jaquette on imagine le film.
BA : En effet, le potentiel de fiction m’intéresse. De par leur graphisme, les codes visuels utilisés, le spectateur peut inventer un film potentiel.
FP : Cette pièce reprend plus la structure d’un vidéo club (avec des documentaires, des films pédagogiques ou de la vidéo amateur) que celle du film de cinéma,. La pièce inclut mais n’évoque pas spécialement le cinéma. Ce qui m’intéresse particulièrement dans cette œuvre, c’est son aspect de machine. Partant d’un certain format, en l’occurrence celui de la jaquette vidéo, on peut y mettre n’importe quoi et combiner de nombreuses données hétérogènes : nombreuses références, typographies, signes, contenus de textes, avec des niveaux de compréhension très variés, des choses connues par tout le monde, d’autres qui ne le sont que par le milieu de l’art, d’autres de l’ordre du privé … Pour moi, c’est une sorte d’autoportrait anonyme.
Cette oeuvre a catalysé tout son travail ; elle est comme un aspirateur à image et à contenu. Elle réfléchit tout le travail fait avant et introduit des éléments exploités par la suite. Elle est de l’ordre du grand œuvre et est très exemplaire de l’organisation du chaos des idées, des références.
Dans le travail de Boris, par rapport à cette idée d’organiser le chaos, on peut faire une distinction entre deux périodes :
D’abord, par rapport à l’ordre et au désordre, avec l’organisation des pigeons dans la rue, par exemple, ou avec les « actions peu » : il s’agit de désorganiser des choses qui sont organisées dans l’espace urbain. Ensuite par rapport à la question de l’unité et de l’hétérogénéité. L’exposition « Conatus » par exemple aborde cette question de la façon d’unifier des choses hétérogènes en terme d’esthétique, de vitesse de fabrication. Les pièces sont réunies sans hiérarchie, ce qui correspond au titre « Cosmos », au sens de constellation.
CF : Boris, peux-tu nous parler plus précisément de tes premières œuvres ; tes « Actions peu ».
BA : Elles datent de 93-95 et elles correspondent à cette idée d’ordre et de désordre.
CF : Qu’est-ce qui t’a amené à concevoir ce type d’actions ?
BA : Avant les « Actions peu », j’avais un atelier et après je n’en n’avais plus. En sortant des Beaux-Arts je travaillais dans un atelier et je trouvais mauvais ce que je produisais et en plus, personne ne le voyait. J’ai donc eu envie de sortir et de faire exister mon travail dans l’espace public pour que les gens le voient. En réalisant ces « Actions peu », je me fichais de savoir si les gens pensaient que c’était de l’art ou non, ce qui m’intéressait c’était juste que les actions existent grâce au regard des gens. Les premières actions étaient extrêmement intuitives, puis elles sont devenues plus réfléchies, avec un aspect sculptural, intégrant des notions de lignes, de lignes brisées.
CF : Nous allons traiter du deuxième thème : la question de la transformation d’un format dans un autre. Tu t’intéresses à cette question comme dans « Cosmos » où tu passes d’un roman à des jaquettes de film, comme dans « Conatus » où tu passes de l’adaptation d’un concept philosophique à un ensemble qui se déploie dans l’espace de la galerie Vallois. D’où provient cet intérêt pour le passage d’un format à un autre, est-ce de l’ordre de l’expérience, est-ce un jeu ou une contrainte que tu te donnes pour produire ?
BA : Je m’intéresse à cette notion de format sans savoir véritablement pourquoi. Une des raisons réside peut-être dans le fait que penser en terme de format, c’est penser en terme d’hétérogénéité. Le format permet de produire des allers-retours, des va et vient entre différents formats (et je ne parle pas d’introduire ce qu’on appelle de la sous culture) qui ont chacun leurs codes précis.
CF : Ne cherches-tu pas aussi à mettre l’accent sur le contenant plus que le contenu ?
BA : Je ne fais pas de distinction entre le fond et la forme, entre le contenant et le contenu.
J’ai travaillé notamment sur la notion de format lors d’une exposition au Casino, à Luxembourg, en 1998. J’ai invité les gens dans une pizzeria où, sur les menus, les noms traditionnels des pizzas (Reine, Margarita, calzone) étaient remplacés par des noms comme Filliou, Deleuze : des noms de personnalités importantes qui me nourrissent. Cette action illustre bien cette idée de glissement et de rapprochement. J’ai également travaillé avec la forme du tract de marabout, en reprenant ses codes graphiques, mais en inversant le message, c’est-à-dire en parlant de mon impuissance absolue à aider les gens : « Boris Achour, artiste, il ne peut rien pour vous…. ».
CF : Sommes-nous avec cette pièce dans l’ordre de la parodie ?
FP : L’œuvre reprend effectivement le format du tract de Marabout. Ce qui me frappe avec cette pièce c’est le type de rapport que Boris entretient avec l’art et la culture. Il a une position assez particulière car totalement différente des pratiques pop, néo-pop, qui convoquent la culture dans l’art, sur un mode connivent, c’est-à-dire de l’ordre de la reconnaissance. Boris a une utilisation beaucoup plus problématique de la culture dans ses œuvres. Il utilise des formes dévaluées. Il y a peu d’attrait esthétique ou intellectuel dans ses menus de pizzas.
Le tract de marabout, quant à lui, représente le pire en terme de document par rapport au langage, à sa forme. Nous sommes donc loin de la parodie parce qu’il génère un tout autre rapport, très éloigné de la connivence. Ainsi, le tract n’imite que le format, le contenu n’a aucun rapport avec ce que propose généralement un marabout sur ce type de document. Au contraire, son texte cite des choses déjà très hétérogènes (extraits de romans, etc.). En même temps, sous couvert de communiquer sur l’impuissance de l’artiste, ce tract exprime beaucoup de choses sur la condition de l’artiste.
CF : Avec ce tract, tu opères un passage du papier, matériau pauvre, à l’œuvre. Dans « Cosmos », tu opères une autre translation, celle du roman aux arts plastiques. Y a-t-il dans ton travail ces notions d’art majeur et mineur ?
BA : Non, ces notions ne m’intéressent pas. Par exemple, à l’intérieur de la pièce « Operation restor poetry », présentée à la biennale de Moscou il y avait de nombreux titres qui commençaient par « opération » et étaient suivis de termes un peu martiaux et macho ; il y avait notamment « l’opération high and high » et « l’opération low and low », sorte de clin d’œil au politiquement correct ou incorrect qui ne sont pas des notions qui m’intéressent. Moi, je réfléchis en termes d’énergie et de réception d’énergie. Ce qui m’intéresse, c’est de combiner les choses qui me nourrissent, de quelque champ qu’elles soient : la musique, l’art, la philosophie, mes amis, une pub, etc.
Mon travail ne joue pas sur le négatif. Ma première exposition s’intitulait d’ailleurs « Oui ». Par rapport à la question du format, j’ai repris par exemple le vocabulaire hyper codifié du versement d’un liquide (lait, huile, eau) dans un film publicitaire, où l’on voit le liquide qui rebondit lentement sur la paroi du verre, dans une volonté de séduction très forte. Mon travail consiste à modifier ce format puisque je montre l’avant et l’après de ce geste et j’étends la chose.
CF : Est-ce une métaphore de l’énergie débordante de l’artiste ?
BA : Dans mon travail, je n’utilise pas la métaphore. Les choses n’ont pas de sens caché, de même que mes sculptures dans l’exposition « Conatus » ne renvoient pas à quelque chose. Dans la vidéo du verre de lait, on reconnaît une esthétique, une certaine qualité d’image que j’ai d’ailleurs choisie pour coller au sujet et au stéréotype du message publicitaire vantant les produits liquides. Je m’intéresse à l’énergie que véhicule ce film, mais la vidéo n’est en aucun cas le signe de l’énergie.
FP : Cette vidéo n’est en effet pas une métaphore. L’intérêt réside dans le rapport établi avec la culture. On reconnaît une certaine esthétique de la pub, mais nous ne sommes surtout pas dans un rapport critique. Boris engage avec certaines formes de la culture, dont on pourrait réprouver l’idéologie, une relation d’amour des formes. Sa force est de pouvoir dépasser la fonction critique de l’art. Il continue de penser le rapport entre l’art et la culture de façon conceptuelle, mais sans se barricader derrière le confort de l’art pour l’art.
CF : Abordons maintenant le thème suivant : « l’œuvre comme exposition ou l’exposition comme œuvre ».
BA : L’exposition « Non-Stop paysage » était construite à la fois comme une œuvre et comme un ensemble d’œuvres dont certaines étaient des œuvres préexistantes et d’autres des œuvres créées pour l’occasion. Une bande son émanait de cette tête « Cosmos » (œuvre achetée par la Société Ricard et offerte au Centre Pompidou, dans le cadre du Prix Ricard SA). Tous les quarts d’heure l’exposition se mettait en marche le temps de la chanson, soit 4 minutes. J’avais conçu cette exposition comme la transposition du format propre au vidéo clip. J’ai donc présenté cette tête qui existait déjà et qui chantonne la lambada, des sculptures réalisées pour l’occasion : « le rocher », « la fontaine » et « le lac ». J’ai ajouté cette porte conçue pour l’exposition « Traversées » au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Dans cette exposition la notion temporelle était très forte puisque l’exposition était soit on soit off. Enfin, les photos « sommes » étaient accrochées sur un mur peint aux couleurs de magasins américains ou japonais ouverts 24h/24, dans un rapport désacralisé au wall painting.
CF : Dans une interview avec François Piron, tu dis que tu conçois cette exposition comme un paysage dans lequel le spectateur circulerait, passerait du temps.
BA : Comme je n’aime pas le terme d’installation, je parle de paysage, d’environnement et je m’intéresse à la place occupée par le spectateur immergé dans ce paysage, au parcours qu’il définit dans l’espace pendant le temps de sa visite.
CF : Mais certaines de ces pièces ont aussi leur vie propre ?
BA : L’exposition correspond à un lieu, un temps, un moment où l’on peut faire se rencontrer des pièces non coexistantes, (des pièces plus anciennes qui existent de manière autonome). Mais dans l’exposition « Jouer avec des choses mortes » aux Laboratoires d’Aubervilliers, les pièces formaient un ensemble et l’œuvre était l’ensemble des sculptures.
L’exposition était conçue comme un espace scénarisé, théâtralisé, dans le noir. Sur un écran était projeté un film, tourné dans le même espace, qui montrait des gens en train de manipuler les objets de l’exposition. Certains des objets renvoyaient au paysage : la barrière, les fleurs, et donnaient ce rapport d’échelle entre les objets montrés en gros plan sur le film et les objets entourant les spectateurs.
CF : Dans cette exposition, le spectateur était immergé au milieu des sculptures. Les objets renvoyaient au décor, des formes culturelles un peu régressives : jeu TV, cour d’école, émission pour enfants. Penses-tu tes sculptures de façon indépendante ou sont-elles créées pour une exposition ?
BA : Cela dépend des pièces, mais je peux mélanger des choses sur lesquelles je travaille depuis 6 mois et d’autres plus récentes.
CF: Le dernier thème que nous allons aborder est celui de la place des mots.
BA : J’ai réalisé pour le printemps de Cahors une pièce intitulée « MMMM » qui diffusait dans les centres commerciaux un enregistrement concernant l’histoire d’une personne qui, suite à un accident, souffre d’une difficulté d’élocution. Le langage traverse mon travail depuis l’exposition « Je veux tout » jusqu’à « Générique ». J’accorde d’ailleurs une grande importance au titre et aucune de mes œuvres n’est intitulée : « sans titre ». Dans l’exposition « Générique », à la galerie Chez Valentin, on entrait dans l’exposition par l’arrière d’un décor et les gens étaient invités à participer. Au fur et à mesure, leurs noms s’ajoutaient sur ce support à la manière d’un générique. L’exposition était un studio de tournage réduit au minimum et reconstruit, un décor de sitcom dans lequel j’avais intégré mes propres œuvres. Les gens pouvaient mettre une oreillette et répéter le texte – une sorte de long monologue que j’avais écrit – et je les filmais.
CF: En guise de conclusion, j’aimerais que nous abordions la question de la diversité de l’éclatement dans ton travail. François, pourrais-tu dessiner « l’unité » de ce travail, pour reprendre le titre de ton catalogue ?
FP: Tous les thèmes que nous avons définis ce soir traversent l’œuvre. Il y a une très grande diversité stylistique dans le travail de Boris, justement, car il refuse de se soumettre à un style, dans l’idée que le style suffit à faire signature. Boris place l’ambition à un autre niveau, au-delà de quelque chose de très éclaté dans les modes, les factures, les types. Il y a un état d’esprit, une politique, un positionnement, une manière de faire. Dans son catalogue « Unité », nous nous demandons comment il dessine une figure d’artiste alors qu’a priori ce n’est pas facile pour lui, à cause de l’aspect hétéroclite de son travail. Néanmoins, lorsqu’on aborde le travail de Boris, une figure se dessine sur laquelle on peut mettre des mots récurrents, comme l’engagement du travail par rapport au public, sa position qui est de dire : « oui je propose, mais non je ne transmets pas ».