APRES COUP Gus Van Sant : avant / après la «mort du cinéma»
« Après coup » propose un exercice critique de l’actualité en appui sur des événements permettant de révéler certains traits distinctifs du contemporain.
De Mala Noche en 1985, jusqu’au récent Harvey Milk, Patrice Blouin évoquera la trajectoire singulière du cinéaste Gus Van Sant, avec Stéphane Bouquet et Jean-Marc Lalanne, auteurs du livre Gus Van Sant qui vient de paraître aux éditions du Cahiers du Cinéma.
« Où va le cinéma ? » se demandait-on, cet automne, au centre Georges Pompidou. Et cette question en apparence bien anodine, marquait un glissement de terrain. Depuis des années en effet, il semblait que le cinéma ne pouvait être abordée que du point de vue de sa fin. En marge de l’idée (historique) de « maniérisme », et en place du concept (artistique) de « postmoderne », c’est la notion vague de « mort du cinéma », avancée par Serge Daney dès le début des années 80, qui semblait devoir guider le cours du septième art.
Se poser, à nouveaux frais, la question de l’avenir du cinéma, indique ainsi un changement crucial de paradigme : non pas seulement la clôture d’un certain rapport au passé mais aussi, et plus profondément, l’abandon d’une prétention. En effet, plus encore qu’une simple découpe temporelle, la « mort du cinéma » a longtemps prévalu comme signe distinctif, comme blason aristocratique, pour marquer une position de surplomb du cinéma sur toutes les autres formes de productions audiovisuelles. Parler, aujourd’hui, du futur du septième art présuppose, à l’inverse, de l’inscrire comme une instance parmi d’autres dans le régime général des images : elle nécessite d’abroger, ou de remettre en débat, un statut d’exception.
Parmi tous les cinéastes qui ont traversé ces années d’isolement funèbre, Gus Van Sant est l’un des rares qui paraît, actuellement, en mesure d’effectuer sans effort cette transition. Sans doute parce qu’il a entretenu, depuis le début de sa carrière, un rapport étonnamment pacifié à la fois à l’histoire du septième art et aux formes annexes de production audiovisuelle.
BIOGRAPHIES
Stéphane BOUQUET est écrivain et scénariste. Il a été rédacteur aux Cahiers du cinéma.
Jean-Marc LALANNE est rédacteur en chef des Inrockuptibles après avoir été celui des Cahiers du Cinéma. Il est le co-auteur avec Philippe Azoury de Fantômas, style moderne et de Cocteau et le cinéma, désordres
Patrice BLOUIN est professeur d’esthétique à l’ESAH. Ancien rédacteur aux Cahiers du cinéma et aux Inrockuptibles. A codirigé le hors-série d’Art Press : « Le burlesque, une aventure moderne »