Bertrand Lamarche
Anne Bonnin reçoit l’artiste Bertrand Lamarche.
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À l’occasion de cet entretien, nous présenterons le tout récent catalogue de l’artiste, The Plot, publié en décembre 2018 par La Maréchalerie / ENSA V, École nationale supérieure d’architecture de Versailles, avec les textes de Nathalie Leleu et d’Ingrid Luquet-Gad.
Un nuage réticulaire lumineux se meut lentement au plafond et dessine des figures indéfinies, des galaxies dans lesquelles chacun projettera selon sa fantaisie des êtres ou des choses. Or, c’est une image, dont le mouvement résulte d’un dispositif simple, animé d’un mécanisme quasi horloger : l’image est en effet le reflet d’une lumière sur une plaque en rotation, couverte de papier miroir. Son titre initial Réplique (2008) s’est transformé en (Réplique (baphomètre)) lors de sa reprise à la Galerie des espèces disparues au Musée d’histoire naturelle, en 2012, s’enrichissant d’un nom mystérieux, à l’étymologie incertaine : dans le roman éponyme de Pierre Klossowski, Baphomet désigne une puissance occulte, une figure de sagesse et un rite de l’Ordre des Templiers : c’est un souffle qui circule et passe d’un personnage à l’autre, un principe que Klossowski qualifie de « prince des modifications ». Le Baphomètre de Lamarche, qui en est inspiré, constitue donc la mesure d’un principe intangible qu’il concrétise aussi.
Cette oeuvre est parfaitement représentative de l’art de Lamarche qui repose sur des récurrences de figures abstraites et concrètes, telles que la spirale, le vortex, le tourbillon, le tore, mais aussi d’objets, comme la maquette ou le tourne-disque. Depuis une vingtaine d’années, il réalise des installations ou, plus exactement, des dispositifs qui produisent des images, du son et du mouvement, en s’appuyant sur des faits concrets. Ses modèles d’architecture se réfèrent ainsi à des projets urbains des années 1950 et 1960 à Nancy, tandis que nombre d’oeuvres reproduisent des phénomènes physiques ou météorologiques, le cyclone ou la brume en particulier, sous forme d’effets spéciaux rudimentaires. Envahies d’un brouillard, ses maquettes se transforment en décor de mutations entropiques (Fog Factory, Map). Filmé en temps réel et projeté sur grand écran, un tourbillon dans un petit bocal devient une tornade dans un désert (Vortex, Kathy). Un tourne-disque en rotation, couplé à une caméra qui le filme, produit l’image cosmique d’un tore (Tore, Cosmodisco). Ces dispositifs sont en général simples : relevant du bricolage et de l’expérimentation domestique et scientifique, ils offrent le spectacle de leur fonctionnement en temps réel. Ce sont aussi des machines de vision, impliquant une disjonction entre perception interne et externe. Une vidéo filmée à l’intérieur de la maquette d’un tunnel nous aspire dans un espace-temps infini (Cyclotunnel). Ses oeuvres, qui fonctionnent souvent en circuit fermé, suggèrent des états d’hypnose et de fascination qui pourraient « ressembler à une caméra qui filme l’image qu’elle produit. » Lamarche distille, de façon discrète, une ironie absurde, à l’instar de ce cylindre d’aluminium, un conduit de soufflerie, qui tourne sur lui-même (Lobby (hyper-tore)).
Notre entretien avec Bertrand Lamarche sera l’occasion de revenir sur les thèmes et les figures qui hantent son oeuvre et constituent son univers. Nous invoquerons ses fantômes, à travers les films, les livres, les musiques, qui l’habitent et l’inspirent.
Bertrand Lamarche est né en 1966 à Paris, où il vit et travaille.
Nommé au prix Marcel Duchamp en 2012, son travail a été montré dans de nombreuses institutions dont le Palais de Tokyo (Paris), le Centre Pompidou (Paris), la fondation Pierre Bergé -Yves Saint Laurent (FR), Thread Waxing Space (NY), the Anthology Film Archives (NY), la Biennale de Montreal (CA), le CCC de Tours, le FRAC Centre,…
Bertrand Lamarche est représenté par la Galerie Jérôme Poggi à Paris.