Du négatif au positif, effacer, histoire d’un geste Maurice Fréchuret
Ecoutez la conférence sur France Culture Plus : présentation de l’ouvrage de Maurice Fréchuret, Effacer, paradoxe d’un geste artistique.
La charge négative qui entache le geste d’effacer touche maints secteurs de l’activité humaine, sociale et politique. Ce geste a toujours été perçu comme une trahison de la réalité. Nous connaissons de nombreux cas historiques où l’image – la photographie plus particulièrement – a été l’objet de falsification par l’effacement de quelque personnage tombé en disgrâce.
Ainsi, la disparition des photographies officielles de certains dignitaires du régime nazi trouve son équivalent dans les éléments de la propagande soviétique ou maoïste sur lesquels, de la même façon, étaient gommés les nouveaux ennemis du peuple.
Au mieux, effacer est synonyme de correction. Appelée communément « repentir » dans le domaine artistique, cette intervention exprime la maladresse et qualifie l’œuvre dans ce qu’elle a de faible et d’inadéquate.
Transformer cette action, si fondamentalement négative, en une pratique susceptible de déboucher sur des ouvertures nouvelles, voilà ce à quoi, au cours du XXe siècle et aujourd’hui encore, les artistes ont travaillé.
Le geste historique de Robert Rauschenberg effaçant, en 1953, un dessin de Willem De Kooning, les propositions exemplaires de Marcel Broodthaers, Claudio Parmiggiani, Roman Opalka, Gerhard Richter croisent, celles plus récentes d’Hiroshi Sugimoto, d’Ann Hamilton, de Jochen Gerz, de Felix Gonzalez-Torres mais aussi celles des artistes de la génération actuelle comme Zhang Huan ou Estefanía Peñafiel Loaiza… En pratiquant l’effacement, c’est-à-dire en travaillant à rebours, tous ont su enrichir exemplairement la création artistique.
Maurice Fréchuret a été conservateur au musée d’Art moderne de Saint-Etienne de 1986 à 1993, puis au musée Picasso à Antibes de 1993 à 2001 et directeur du capc musée d’art contemporain de Bordeaux de 2001 à 2006. Il est nommé conservateur des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes (2006-2014). Parallèlement à son travail de conservateur, de commissaire d’expositions et d’enseignant, il a publié de nombreux ouvrages dont : Le Mou et ses formes (éditions ENSBA, 1993, Jacqueline Chambon, 2004) ; La Machine à peindre (Jacqueline Chambon, 1994) ; L’Envolée, L’enfouissement (Skira, RMN, 1995) ; L’art médecine (en collaboration avec Thierry Davila, RMN, 2000) ; Les Années 70, l’art en cause (RMN, 2002) ; Exils (en collaboration avec Laurence Bertrand-Dorléac, RMN, 2012).
Son dernier ouvrage Effacer, paradoxe d’un geste artistique publié aux Presses du réel vient de recevoir le Prix Pierre Daix de 2016.