Face à ce qui pousse
Kapwani Kiwanga a opté pour les arts visuels après avoir étudié l’anthropologie et les sciences sociales. Sa formation première fait mieux que nourrir et informer son œuvre plastique, on peut dire de celle-ci qu’elle est la continuation de l’anthropologie par d’autres moyens. Le rôle de la pensée magique et la croyance dans des pouvoirs attribués aux plantes et leur rôle dans les luttes anticoloniales au siècle dernier ont donné lieu à une exposition présentée l’année dernière à la South London Gallery et à la Ferme du Buisson. Dans cette exposition où des documents sonores et visuels, témoignages directs ou réinterprétés, permettaient de remonter le cours de l’histoire tanzanienne jusqu’à la rébellion Maji-Maji de 1907, Kapwani Kiwanga procédait à une véritable hybridation des double rôles d’artiste-chercheur et de commissaire-muséographe: fibres végétales employées pour la production de sculptures, panneaux pédagogiques envahis par des pans de tissus leur faisant comme un habillage faussement négligé, serre horticole abritant des plantes savamment répertoriées et classées dont la croissance croisait le temps de l’exposition. A quoi s’ajoutaient des discussions et des performances : l’hybridation mais aussi les mutations des plantes et des cultures. L’exposition est un champ d’expérimentations et d’enseignement aussi bien pour les visiteurs que pour l’artiste elle-même, suppose-t-on. Par ailleurs, Kapwani Kiwanga est également anthropologue du futur.
Oulimata Gueye est curatrice et journaliste indépendante. Elle axe ses recherches sur les pratiques culturelles en lien avec les technologies numériques et les cultures urbaines en Afrique. Elle anime la plate-forme xamxam (xamxam.org) et elle a cofondé le collectif Startup Africa Paris.