Imprimerie, peste et survie : un exemple du 17e siècle
Une conférence de Dr. Brooke Palmieri, suivie d’une discussion avec Ben Kinmont.
Conférence donnée en anglais.
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Au Grand Palais, à l’occasion de la Foire du livre ancien de Paris (11-14 avril), puis à la galerie Air de Pairs (17 Avril-11 mai) Ben Kinmont présentera des documents d’archives liés à Mary Everard (1637-1685 environ) et à la famille Everard. La famille comprenait de nombreux radicaux et agitateurs éminents de la période Interregnum et incarnait l’esprit de la pensée antinomienne pendant la guerre civile anglaise. Dans le cadre de cette présentation, Dr. Brooke Palmieri donnera également une conférence intitulée « Impression, peste et survie: un exemple du dix-septième siècle ». La discussion portera sur l’histoire des quakers et sur le rôle des archives pour assurer la survie des communautés marginalisées.
L’utilisation de caractères mobiles dans les villes d’Europe après 1450 a fondamentalement modifié la circulation du savoir, à la fois sous forme imprimée et sous forme manuscrite. Mais en Angleterre, il a fallu deux siècles pour que les possibilités révolutionnaires de la presse atteignent leur paroxysme, ce que l’on appelle maintenant « l’explosion de l’imprimerie » de la fin du XVIIe siècle. A partir de 1640, l’effondrement de la censure d’État et l’augmentation du nombre d’œuvres courtes produites par des groupes Antinomiens ou de « fanatiques » tels les Ranters, Seekers, Diggers, Levellers, les Baptistes et enfin les Quakers ont joué un rôle crucial dans cette explosion. Pendant une crise qui a abouti à la décapitation du roi Charles Ier, les informations imprimées étaient parfois célébrées comme un exercice révolutionnaire de la Liberté, et parfois condamnées comme une peste et une menace pour la nation.
Les Quakers se sont placés en héritiers des groupes radicaux qui les ont précédés et ont publié environ un opuscule par semaine pendant les années 1650, en défendant la croyance en la « lumière intérieure » plutôt que la lettre de la Loi, et le concept de « Vérité » fondé sur cet esprit individuel. Pourtant, la haine à l’égard des croyances Quakers était si forte que non seulement ils ont été brutalement persécutés au cours des années 1660, mais que leurs pamphlets ont été jugés hérétiques et souvent détruits. La Vérité des Quakers dépendait alors de leur propre capacité à créer et à gérer des archives qui pourraient soutenir leur production imprimée, même sous la contrainte extrême.
En prenant comme point de départ ce contexte de soulèvements et d’effusion de sang, cette conférence se concentrera sur l’exemple des premiers Quakers tels que George Fox, Ellis Hookes, Mary Fisher et Mary Everard. Leurs expériences permettent de mieux comprendre la place des archives au sein des groupes marginalisés, plus largement en évoquant l’interaction entre les luttes individuelles et collectives, et finalement, entre destruction et survie. Les Quakers ont survécu, ils ont archivé et publié leurs croyances et leurs expériences des persécutions, instaurant ainsi une tradition de documentation de la lutte qui dure depuis plus de trois siècles – la plus ancienne archive radicale continue en langue anglaise.
Brooke Sylvia Palmieri est écrivain.e, éducateur.ice et libraire. En 2017, iel a terminé un doctorat à l’University College London – Lecture convaincante: la circulation des textes Quakers (1650-1700) – documentant les habitudes de lecture, d’écriture, d’archivage et de publication en commun des Quakers. Riche de sa connaissance de l’histoire des mouvements sociaux, Brooke a lancé, à l’été 2018, Camp Books, une librairie itinérante d’ouvrages de livres et d’imprimés présentant des textes liés à l’histoire queer. Camp Books fournit également le matériel de base nécessaire à des ateliers sur la compréhension et la conservation des archives des opprimés, que Brooke livre régulièrement dans les écoles, les bibliothèques ou les galeries.