L' Envie
C’est parce que la notion d’envie a longtemps été associée à quelque chose de futile et de secondaire, et trop souvent occulté par des concepts plus rationnels tels que le besoin, ou le désir, qu’il convient selon Laurence Gelin, en ces temps d’incertitude pour l’observateur social, de revenir sur ce type d’interrogation.
Initiatrice de l’Observatoire de l’Envie, Laurence Gelin explique que plus que jamais, les publicitaires se rendent attentifs aux émergences de motivations et comportements consommatoires les plus furtifs. Repérant là un enjeu de taille dans nos sociétés contemporaines, elle nous propose ainsi de réfléchir sur cette manière nouvelle d’être et de consommer.
En ce sens, Michel Maffesoli rappelle « l’obsolescence » et l’épuisement de certains mots et notions trop longtemps utilisés pour dire la société, et propose de « se purger de ces mots impertinents » et de leurs » incantations ».
Dans la culture occidentale et judéo-chrétienne, le mal est refusé ou dénié comme péché. Il ne se définit alors que par défaut, par ce qu’il n’est pas. Il est l’inverse du bien, un anti lieu, contrairement à certaines sociétés qui lui ont attribué une place réelle dans le monde, non obscure, une divinité.
L’envie serait peut-être de cela, selon Michel Maffesoli. Un « élément de la globalité ». Evoquant Jung, il indique que donner une place au mal ou à l’inacceptable, c’est accepter de ne pas le soigner, et l’intégrer dans le monde, le social et le quotidien. A ce propos, Maffesoli parle d' »homéopathisation » du mal, une manière de vivre la mort au quotidien, de la digérer et de la ritualiser.
De cette manière, l’envie serait le signe d’une certaine « dilution du sujet ». A l’encontre de notre tradition du sujet et de l’individu, s’articulant dans « le couple tétanique sujet/objet », mu par la rationalité de son fonctionnement (besoin économique, désir psychique), M. Maffesoli nous rend attentif à ce qui pourrait préexister avant le sujet construit, c’est-à-dire la relation, ou selon ses mots, le « primum relationis ».
Dans ce sens, « l’envie assume le mal », dans la mesure où elle crée la relation. Relation « affectuelle », irraisonnée, manière d’expliquer les coups de coeur, les achats inconsidérés, et » qui créent l’entité, la reliance et la subjectivité de masse. »
Evoquant Gilbert Durand, Maffesoli rappelle cette » trajectivité sujet/objet », qui, loin des discours purement intellectuels prend lieu et acte dans une société évoluant selon lui de la « consommation » à la « consumation ».
L’envie évoque pour Alain Etchegoyen un « sentiment de paradoxe », aussi, il la décrira comme un phénomène ambigu. « Effet de surface, caprice imprévisible et momentané », elle est le signe des temps, et permet de qualifier les comportements de masse sous un angle nouveau.
L’envie constitue une sorte de réponse, « le consommateur peut être actif, sans toutefois être victime de la société de consommation. »
Les industriels et les publicitaires emploient d’ailleurs l’expression « donner de l’envie », « notion qui regroupe dépense et générosité ». L’envie revêt un caractère « saillant », et qui bouscule les autres appétits.
Son ambiguïté la conduit également à un état proche de la haine (envie de l’autre, par le biais de l’objet convoité), et elle reste un péché capital.