L'Amérique fondamentaliste : un danger planétaire ?
Les crispations morales et religieuses (combat anti-avortement, homophobie, fanatisme religieux), que l’on observe aux USA sont-elles la révélation d’une lame de fond fondamentaliste qui pourrait envahir le monde, ou, au contraire, s’agit-il là de l’expression d’un combat d’arrière-garde ?
Jean-François Colosimo (théologien), Joseph Mace-Scaron (journaliste) et Michel Maffesoli (sociologue) se réunissent autour de l’œuvre de J.F Colosimo dont le sujet traite de la prégnance du religieux dans la politique américaine et des enjeux internationaux liés à ce phénomène compte tenu de la puissance économique et politique que représentent les États-Unis dans le monde.
Il est à retenir que la place que prend le mouvement de l’évangélisme aux États-Unis d’une part mais aussi dans les autres pays d’autre part, la France y compris, est de plus en plus prégnante. L’évangélisme s’inscrit dans une profonde mutation du christianisme, pourrait on parler d’ailleurs à cet égard d’acculturation du christianisme avec les tendances d’une vie sociétale elle même en mutation. Ainsi, particulièrement aux États-Unis, le religieux se vide de son contenu, le dogme perd de sa puissance en tant que tel, c’est-à-dire en tant que source de vérité. L’Église est dérégulée, il n’y a plus véritablement de croyance, de sacrement, de confession au sens entendu par le Christianisme. L’accent est mis au contraire sur les valeurs morales maximalisées, sur les instances ordinaires de socialisation telle la famille, sans référence aucune au Christ par exemple ainsi qu’en témoigne la bible de Jefferson. L’évangélisme puise ses sources dans la Bible bien sûr, mais la pratique diffère, c’est un christianisme qui s’invente sans cesse, les églises sont spontanées, ont besoin de se diffuser, de convertir. La dynamique d’invention, de propagation est le moteur du fonctionnement de cette religion, l’Eglise se crée en permanence, on fait reculer les frontières du religieux. L’évangélisme est un processus et assure en tant que tel son existence, il n’y a pas d’état stable possible. En cela le christianisme est littéralement atomisé, ce sont de multiples fragments de religion qui constituent l’unité du mouvement. Force est de constater que la dynamique de diffusion fonctionne, le téléévangélisme prend du poids, à tel point qu’en France notamment , l’Église protestante, Calvinistes et Luthériens, a décidé stratégiquement de fédérer les évangéliques afin de mieux contenir ce mouvement et ne pas se laisser dépasser par la situation.
La prégnance de l’évangélisme aux États-unis est telle qu’elle déborde largement sur le domaine de la politique intérieure et extérieure.
Comme l’avait souligné M. Weber, le politique est une forme profane de la religion, K. Schmidt entendait quant à lui le concept prégnant de l’État comme un concept théologiques sécularisé. Fort de ces considérations, l’observation de la situation américaine est exaltante, la démocratie américaine, grand principe revendiqué mondialement, est tout autant une théocratie où Dieu bien sûr est américain. Les sources bibliques dans le fonctionnement même du politique sont légions. Face au terrorisme la notion d’Apocalypse est employée, c’est-à-dire la remise en ordre du monde qui suppose l’acceptation de certains sacrifices constitués par la guerre. La notion de « croisade » un temps utilisé par G.W Bush est en ce sens fédératrice, elle rassemble les peuples. En politique intérieure, certaines actions du gouvernement sont tout autant déteintes de moralisme chrétien notamment sur les questions de l’avortement ou de l’homosexualité, moralisme au nom duquel des mesures anticonstitutionnelles sont prises sans concessions. Au delà, on retrouve la marque de l’évangélisme jusqu’en dans la personnalité du président américain qui marque son attachement à Jésus.
La démocratie portée par L’Amérique est nécessairement religieuse, une religion qui se veut planétaire et qui par là est la source de reliance des États-unis au monde, et c’est peut-être en cela que le fondamentalisme américain est un danger pour le monde.
Compte-rendu par Anthony Mahé