L'échange impossible
Introduisant le propos, Michel Maffesoli nous rend attentif à cette forme de pensée qui, à l’inverse de la pensée économique gérant conjointement le soi et le monde, trouve sa substance dans « la raison des choses », la raison propre.
Et citant Bataille, il rappelle que « l’on est plus agi que l’on agit ».
Réduire l’échange à un seul terme, et « lire une vérité à la surface des choses » (Nietzsche / Weber / Simmel), voici une posture intellectuelle qui se poserait en défaut du « deprofundisme », la recherche dans la profondeur.
Evoquant la structure de l’échange telle que la permettait la Modernité – la représentation -, Michel Maffesoli évoque une dynamique qui, à l’inverse de l’optique et de sa mise en perspective du monde, prônerait l’aptique, le toucher, et la présence a monde.
Revenant sur « le destin de l’échange », Jean Baudrillard embrasse dans cette notion toutes les formes réputées convertibles dans notre culture occidentale. Structure sémantique, structure économique, dialectique de sens. Qualifiant « d’intolérable » la dynamique de l’échange, il situe l’impossibilité au coeur même de tous ces binômes. Ainsi, c’est « l’économie en tant que telle qui est inéchangeable », et cette « insolvabilité » frappe également l’ensemble des autres systèmes.
Le réel lui-même se révèle inéchangeable contre les signes. « Dans le réel, tout est possible, mais sans rien signifier ». Il s’agit là d’une spéculation pure du signe.
La pensée ne s’échange contre rien. Mais, à l’instar de l’économie et du réel, « l’échangeabilité de la pensée est sa grandeur. »
De même, l’espace de la régulation (et les dialectiques vrai/faux, sujet/objet) « se détraque » dit-il, et engendre « sa masse critique » au-delà de laquelle le système tout entier perd son équilibre.
Sur le terrain politique également Jean Baudrillard voit « une illusion », celle qui prétend établir un rapport, un échange.
Ainsi se dessinerait, au-delà du constat de faillite des structures de sens, un état de forclusion, générant ainsi « une incertitude radicale ».
Ironisant sur cette constatation, Jean Baudrillard se demande « n’y a-t-il jamais eu de l’économique? »
Faut-il rechercher une issue, une solution? Cette solution réside-t-elle dans la production d’un double, qui constituerait la caution, la garantie de l’existence du monde? Il s’agirait de la réalité virtuelle, parallèle, dont Jean Baudrillard annonce l’équation, « équivalence totale, solution finale. »
Une telle production, cet espace parallèle qui n’entre jamais en contact avec le réel constituerait une « réversion sans réflexion »? « Le virtuel nous pense, comme Internet nous pense », étrange rapport dans lequel « le corps deviendrait une fonction inutile ».