Évènement

L'homme en clair-obscur

Lundi 22 octobre 2007 à 19h

« L’homme en clair-obscur », tel est le thème de ce rendez-vous de l’imaginaire qui donne lieu à un échange entre Michel Maffesoli, Pierre Le Queau, professeur de sociologie et Charles Pepin, philosophe et journaliste.

Le point de départ de cet échange s’appuie sur le constat suivant : la philosophie des Lumières au 18ème siècle et les grands systèmes sociaux du 19ème siècle ont généré une pensée purement rationnelle. Aujourd’hui, avec le retour des émotions sur la place publique, la naissance des passions collectives et les hystéries de divers ordres (sportives, musicales et religieuses), on assiste à plus de prudence, voire à plus de modestie intellectuelle. C’est ce qu’entend souligner Michel Maffesoli à travers l?expression «L’homme en clair-obscur» : ni ombre, ni lumières mais un mixte des deux.

Cette « causerie » qui réunit les sociologues Pierre Le Quéau et Michel Maffesoli ainsi que le philosophe Charles Pépin se place délibérément sous le signe l’oxymore. La figure de style qui titre cette rencontre ainsi que l’ouvrage de P Le Quéau : l’homme en clair obscur introduit d’emblée la tonalité qui va rythmer les échanges.
M. Maffesoli inaugure le débat non sans rappeler quelques clés de trente années de sa pensée, puisque c’est de son oeuvre dont il est question aujourd’hui, ainsi l’imaginaire du trou, l’apport de Jean-Marie Guyau avec son idée d’évincer toute forme de dogmatisme, l’inscription fondamentale du «ratiovitalisme» et de l’expérience vécue dans la compréhension du social, et enfin l’idée du retour, la «reprise» préconisera Kierkegaard comme étant le souvenir en avant, l’«éternel retour» chez Nietzsche, « rien de nouveau sous le soleil » se plaît à dire M. Maffesoli dans l’élan d’ « humilité » qui caractérise sa pensée. Précisément sous le «soleil Maffesolien» il y a l’ombre. Pour saisir cette ambiguïté essentielle qui caractérise la pensée de M. Maffesoli, P. Le Quéau nous indique la voie d’une initiation à la lueur de la métaphore du Caravage. Bienvenue dans le clair obscur.
Ainsi, l’auteur du jour (et de la nuit) nous éclaire de quelques considérations plastiques, notamment la technique du peintre qui rend si ténue la ligne d’ombre censée séparer le clair de l’obscur, rendant le passage de l’un à l’autre sans ligne de séparation. Un détour par les styles littéraires d’un Jean Tardieu, d’un Charles Baudelaire ou encore d’un Montaigne pour nous indiquer qu’il y a toujours de la fantasmagorie en deçà de la réalité visible. M. Maffesoli ainsi dépeint en artiste, le sociologue « grenoblois » résume avec pertinence la complexité d’une pensée basée sur le principe de réversibilité et la leçon d’humilité qu’il faudra en tirer.
Au fond le Caravage offre un cadre de lecture à ce sur quoi repose la pensée de M. Maffesoli : la critique de la modernité. L’idéaltype de la modernité se caractérise par une société qui a une forte conscience historique d’elle même. Ainsi la modernité se laisse envelopper par un esprit de la coupure, de la vivisection des idées, des hommes. C’est également l’angoisse de la perte de la maîtrise de la réalité. Se faisant, la modernité devient inconsciente d’elle même, de son origine, origine qui n’est autre que son ombre. La renaissance n’existe pas sans les « sombres » décennies qui l’ont précédées, pour le meilleur et pour le pire. Il s’agit d?admettre cet « humus », cette source de la modernité. Et ce en rétablissant le dialogue entre la lumière de la Raison et l’ombre d’ sensible qui caractérisent ensemble l’être au monde, la « Raison sensible » dirait M. Maffesoli. Devant l’absolutisme et l’impérialisme de la Raison qui ignore son ombre, il était urgent de rappeler l’importance d’une telle négociation des termes.
Charles Pépin l’aura bien compris, cela implique de ne plus penser l’«individu» et l’«identité» figée, mais la « personne » aux identifications multiples. En effet rappellera P. Le Quéau, le problème de l’identité ou de la quête de l’identité c’est de faire comme si il n’y avait rien avant alors que ce rien, cet obscur, est peut-être la chose essentielle qui nous constitue, nous autres «animaux sociaux».

Anthony Mahé, Gemmi-Ceaq

 

 

Intervenants

Charles Pépin
Pierre le Quéau

Date
Horaire
19h00
Adresse
Fondation Pernod Ricard
1 cours Paul Ricard
75008 Paris
Entrée libre
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