Sur le fil
Plutôt que d’appropriation (ce vocabulaire de propriétaire et ce concept déjà très ancien), l’art d’Ana Jotta se caractérise par une façon très particulière d’assembler et d’amener à soi (et à nous) des images, objets, mots ou idées en toute liberté. Avec eux, elle définit un ordre et une organisation, et ouvre des portes dans l’espace d’exposition qui l’accueille. Plutôt qu’à se poser la question du quoi?, elle préfère celle du comment? Comment composer avec un lieu, un moment, une situation, un temps ou une durée? A ce jeu là, la broderie compte autant que la peinture, les lieux communs et les lapalissades que le texte poétique, un dessin sur une tasse qu’un morceau de dialogue de film qu’on traîne depuis longtemps avec soi. On a le sentiment que l’artiste nous laisse regarder par dessus son épaule, qu’elle vide devant nous ses poches ou ouvre ses tiroirs, sans se soucier de savoir si on aimera la couleur de ses idées. Mais peut-être s’agit-il d’une autre qu’elle-même, du genre de celle qui croît bon d’apposer sa marque, ou bien qui est convaincue de pouvoir par la grâce d’un nom changer d’identité. Ana Jotta se dit aussi très sérieusement franciscaine dans son art, même si le rire ne semble jamais la quitter. Entre le rire des philosophes cyniques et le sourire du chat, se glisse, comme un souffle, un charme, cet art du mouvement.
A la suite de Ti Re Li Re, remarquable exposition présentée l’été dernier au Crédac, est venue l’envie d’une conversation. Claire Le Restif se joindra à nous.