S'inspirer, respirer Les devenirs politiques du confinement
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Qu’est-ce qui nous arrive ? La grande question, quasi éternelle, qui définit l’acte de penser, n’a peut-être jamais été aussi sensible qu’aujourd’hui, depuis le début du confinement. Nous avons tous le sentiment confus de vivre un basculement historique, et en même temps d’éprouver une humeur inconnue.
Difficile de mettre des mots précis et définitifs sur ce moment, de donner un sens à ce moment d’inquiétante étrangeté. Comme l’écrit François Cusset, il vaut mieux admettre qu’on n’est en rien obligé de « choisir entre la nuit noire et le soleil de midi. « Qui pense trop vite, en un mot, rate le secret du confinement ». Pour l’écrivain et essayiste, il est « impossible de dire exactement ce qu’on a senti en avril 2020 ni d’en tirer encore une proximité soudaine avec des frères et sœurs humains dont tout nous avait éloignés » ; mais au moins on a senti quelque chose, tous, ensemble, alors qu’on ne sentait plus grand chose ». « L’interruption du monde nous a fait peur et du bien, inséparablement ».
Sans chercher à percer le secret du confinement, on peut quand même essayer de l’éclairer, de l’approcher, en mettant précisément des mots sur cette expérience, moins pour la raconter à la manière de ces journaux de confinement, souvent mal reçus, parce que déconnectés de la souffrance collective, que pour traduire ce que Romain Huët appelle une « expérience du monde défaite ».
Ce qui s’impose à l’évidence, c’est que nous sommes tous précipités dans une situation d’incertitude radicale, un état d’inquiétude permanente. Pour reprendre les termes de Marielle Macé, cette crise inaugure une nouvelle « allure de la vie ». La crise sanitaire altère profondément notre relation au monde, à nous-même, aux autres. Elle précipite chacun dans un état anxiogène. Elle objective surtout nos conditions inégalitaires dans tous les domaines de la vie.
Cette crise peut aussi former une occasion inédite : permettre de réfléchir à ce à quoi nous tenons et ne tenons plus, collectivement et individuellement. « C’est aussi au cœur de cette négativité, du désastre, que se dessine impatiemment l’urgence d’une transformation de l’actuel », écrit Romain Huët. « Et si, assignés à résidence, immobiles, revêches et paniqués, on n’en avait pas moins été en vie, enfin », se demande Cusset.
Placée au cœur de cette tension entre la peur et le bien, entre le défait et la revitalisation, cette conversation voudrait nous aider à comprendre ce qui nous arrive, à défaut d’imaginer ce qui nous attend.
Avec Marielle Macé, essayiste, auteur de Nos cabanes (Verdier)
François Cusset, écrivain essayiste, auteur de Génie du confinement (Liens qui libèrent)
Romain Huët, sociologue, auteur de De si violentes fatigues, les devenirs politiques de l’épuisement quotidien (Puf)