Journée d'étude Habiter la contradiction
Two study days at the Fondation d’Entreprise Ricard and at Centre d’Etudes du Vivant, University Paris Diderot
Le groupe de travail Les Vagues est un collectif féministe. Composé de professionnelles des arts visuels, il se réunit pour penser et mettre en œuvre les articulations entre le monde de l’art, l’histoire de l’art, la culture politique et le militantisme d’un point de vue situé. Le collectif recense, donne de la visibilité aux outils du changement positifs et porte des pratiques professionnelles féministes égalitaires, soucieuses de la justice sociale.
Pratiquer une épistémologie féministe intersectionnelle au sein du champ de l’art revient à mettre au travail les formats, les discours, les outils des sciences sociales (histoire de l’art, sciences politiques, philosophie, cultural studies) du milieu militant (décolonial, LGBTQI+, queer, féminisme noir/afroféminisme ?) avec et dans les écritures et des modalités de l’art.
Le colloque :
Geneviève Fraisse, directrice de recherche émérite au CNRS,
produit une œuvre philosophique à partir du matériau historique. Faisant
apparaître de nouvelles généalogies du féminisme, elle ouvre la voie d’un
dialogue avec des pensées isolées ou canoniques de Poullain de la Barre à
Simone de Beauvoir en passant par Germaine de Staël. Elle postule que la
Révolution française, issue de l’universalisme, est paradoxalement le point de
départ de la théorisation de la place des femmes dans les affaires publiques et
en même temps de leur exclusion de la sphère politique ce qu’elle appelle la
« démocratie exclusive ».
Depuis plusieurs années, la pensée de Geneviève Fraisse s’est
aussi diffusée en dehors du monde académique. C’est le signe d’une nouvelle
perspective francophone sur les études de genre alors que les vingt dernières
années ont été marquées par l’apport des modèles états-uniens.
Intellectuelle engagée, elle est une figure incontournable du Mouvement de Libération des Femmes. Elle a aussi été déléguée interministérielle aux droits
des femmes (1997-1998) et députée au Parlement européen (1999-2004). Chercheuse, femme et militante, elle a développé une pensée libertaire réactivée par les questionnements politiques actuels.
Ces journées d’étude Habiter la contradiction : usages et colportages de la pensée de Geneviève Fraisse seront l’occasion de revenir sur l’apport philosophique des études de genre développées en France, d’assumer la réappropriation des discours comme pratique émancipatrice à partir de la logique non dogmatique et de l’exigence de remise en question permanente des concepts.
Le programme :
Colportage/
historicité/ contretemps dans le féminisme
Jeudi 29 mars à la Fondation d’entreprise Ricard
Matinée : modération par Les Vagues – Louise Hervé
9h30-10h : Accueil des participant·e·s
10h-10h15 : Introduction par Les Vagues – Isabelle Alfonsi
10h15-11h15 : Véronique Lefebvre des Noettes, « Du consentement au prisme de la maladie d’Alzheimer ».
Le consentement aux soins, à l’entrée en institution, semble être une notion forte, claire transparente et contractuelle qui est réaffirmée dans les grands principes législatifs, depuis le code de Nuremberg en 1947 à la loi 2015 d’adaptation de la société au vieillissement. Consentir, c’est s’en remettre à une décision volontaire, argumentée, adoptée en toute conscience à la suite d’un temps de délibération. Mais quand la vulnérabilité s’installe, quand la démence « s’emmêle », que faut-il faire ? les travaux de Geneviève Fraisse éclaireront notre clinique car elle a bien montré que “Le consentement semble un mot simple, une notion transparente, une belle abstraction de la volonté humaine ; il est pourtant obscur et épais comme l’ombre et la chair de tout individu singulier.”.
11h15-12h15 : Luis Pizarro, « Woman and Family in the Construction of Liberal Citizenship. Spain, 1834-1846 ».
Luis Pizarro Carrasco présente ici une partie de ses recherches au sujet des premières revendications féministes durant la période dite du « féminisme libéral » en Espagne (1834-1846) : écrivaines, femmes proches d’un libéralisme progressiste et premières démocrates, revendications du féminisme fouriériste espagnol. Il s’agit d’analyser les raisons du rejet du droit de vote des femmes dans le libéralisme, ou comme l’indique Geneviève Fraisse : les raisons de l’absence totale de sa formulation. Il s’agit de mettre au jour un « agencement politique » féminin non détecté dans l’historiographie espagnole.
Après-midi : modération par Les Vagues – Sophie Orlando
14h-15h : Lalla Kowska Régnier, « Incarner la contradiction, échapper à la sidération ».
15h-16h : Emilie Noteris, « « ISMES » NO GOOD : Devenir féministes à la place des féministes ».
Petite enquête cinématographique et sérielle sur la réappropriation des discours féministes à des fins réactionnaires ou nationalistes, et la récupération libérale des luttes des femmes évacuant toute portée intersectionnelle et politique des avancées théoriques du féminisme.
16h-16h30 : pause
16h30-17h30 : Pierre Bras, « Geneviève Fraisse, philosophe populaire ».
Dans son intervention, Pierre Bras montre comment Geneviève Fraisse, l’auteure du Privilège de Simone de Beauvoir, membre de l’institution, s’échappe de la pensée institutionnalisée et se rend, selon lui, audible en dehors de l’Université, c’est-à-dire « (…) touche une audience populaire transgénérationnelle sensible à la revitalisation des concepts par le réel. »
17h30-18h : conclusion par Geneviève Fraisse
Lignées
et émancipation
Vendredi 30 mars au Centre d’Etudes du Vivant, Université Paris Diderot, amphithéâtre Turing bâtiment Sophie Germain, Place Aurélie Nemours – 75013 Paris (2ème sous-sol, accès dans l’entrée sur la gauche)
Matinée : modération par Les Vagues – Chloé Maillet
9h30-10h : accueil des participant·e·s
10h-11h : Diletta Mansella, « La figure de Béatrice Cenci chez P.B. Shelley, Stendhal et Alexandre Dumas : le privilège d’un sujet ».
Nous interrogerons la construction littéraire du personnage de Béatrice Cenci, objet de violences sexuelles et sujet d’une incroyable révolte. P.B. Shelley, Stendhal et Alexandre Dumas écrivent sur cette figure à peu près à la même période. Il s’agira d’interpréter cette coïncidence à l’aune des concepts de privilège et de différence des sexes, à l’oeuvre dans les écrits de Geneviève Fraisse.
11h-12h : Joëlle Palmieri, « Des Pénélopes à la généalogie du concept de colonialité numérique ».
Les Pénélopes est une expérience éditoriale féministe internationale, produit de la pensée de Geneviève Fraisse en tant que production d’une généalogie liée à l’histoire des dominations.
Après-midi : modération par Les Vagues – Isabelle Alfonsi
14h-15h : Geneviève Fraisse, « La suite de l’histoire ».
15h-15h30 : pause
15h30-17h : Table-ronde : construire les lignées féministes de l’art et penser l’émancipation avec Renaud Chantraine, Elisabeth Lebovici, Reine Prat, Emilie Renard et Virginie Jourdain.
17h-17h30 : conclusion par Les Vagues – Géraldine Gourbe
Les participant.e.s à ces deux journées d’études
Pierre Bras est directeur de la revue L’Homme et la Société. Il enseigne les études françaises à l’Université de Californie (Santa Barbara et Paris) et est membre du jury du « Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes ». Il vient de faire paraître un volume collectif intitulé Corps sexué, corps genré : une géopolitique. Pierre Bras travaille sur les liens entre droit, économie et littérature et a dirigé en 2016 un volume sur Economie et littérature.
Renaud Chantraine est doctorant à l’EHESS, Paris. Ses recherches portent sur la transmission des traces des minorités sexuelles en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. Au Mucem à Marseille il travaille dans le cadre d’un projet de valorisation patrimoniale de la lutte contre le sida.
Virginie Jourdain est artiste, commissaire indépendante et travailleuse culturelle à La Centrale galerie Powerhouse (Montréal, CA). À travers sa démarche artistique et ses recherches, elle tente d’interroger l’autorité des hiérarchies, des genres, des pratiques et des récits en art.
Lalla Kowska Régnier est activiste dans la lutte contre le sida au début des années 90. Elle collabore ensuite aux entreprises de divertissement industriel jusqu’au début des années zéro. Après son licenciement de Canal +, elle entame sa transition. Depuis une petite dizaine d’années, elle écrit parfois – loin des champs académiques et militants –, à partir des motifs politiques, sociaux et artistiques aussi qui traversent son corps de femme transexuée et déracisée. Elle est notamment l’auteure, avec Jihan Ferjani, du Manifeste Trans’ : Notre corps nous appartient, in « Nouvelles questions féministes », 2008. Elle collabore à la revue « Terrain vague ». Elle gère le bar La Moderne, rue de Beaubourg à Paris.
Elisabeth Lebovici est historienne et critique d’art. Elle coorganise depuis 2006 le séminaire « Something You Should Know : artistes et producteurs » à l’EHESS, Paris. Elle est l’auteure de nombreux articles et essais monographiques. Elle a publié avec Catherine Gonnard, de Femmes/artistes, artistes/femmes (Hazan). Elle vient de publier Ce que le sida m’a fait – Art et activisme à la fin du XXe siècle (la Maison Rouge, JRP Ringier), 2017. Elle tient le blog le-beau-vice.blogspot.fr.
Véronique Lefebvre des Noettes est docteure en Philosophie pratique et Ethique médicale UPEM-UPEC, psychiatre de la personne âgée APHP
Émilie Notéris est une travailleuse du texte née en 1978. L’écriture d’un essai sur le Fétichisme Postmoderne (La Musardine, 2010) lui vaut d’être contactée occasionnellement pour des dossiers sur le fétichisme du latex, domaine qui ne relève nullement de sa compétence. Elle préface les anarchistes Voltairine de Cleyre et Emma Goldman (Femmes et Anarchistes, éditions Blackjack, 2014), traduit des écoféministes (Reclaim !, Cambourakis, 2016) et invite des xénoféministes (week-end Eco-Queer, Bandits-Mages, Bourges, 2015). Son dernier ouvrage, La fiction réparatrice, paru en 2017, met en pratique et en théorie l’art du kintsugi japonais pour proposer une transcendance queer des clivages binaires, à travers l’étude de fictions cinématographiques populaires.
Diletta Mansella est docteure en philosophie. Elle est membre du comité de rédaction des Cahiers critiques de philosophie, depuis 2014. Sa recherche théorique s’accompagne d’une pratique artistique. Dans ce cadre elle a mis en scène Les Bonnes de Jean Genet (Naxos Bobine, Paris, Metaverso, Rome 2005), Il Verdetto de Valeria Parrella (Ménagerie de Verre à Paris et Miniteatro à Sao Paulo, Útero de Vênus à Campinas, Brésil, 2009). Elle intervient actuellement dans le travail de la compagnie L’éclat des gestes, dirigée par la chorégraphe Isabelle Dufau.
Joëlle Palmieri est chercheure en sciences politiques. Experte en genre, conseil en communication, elle collabore régulièrement avec l’Organisation internationale de la Francophonie, le CRDI (Centre de recherches pour le développement international), avec des instituts de recherche, des universités et avec des ONGs, telles que enda-Tiers Monde, le réseau Genre en Action, sur des projets de recherche en genre dans et via l’information et la communication, le développement durable, la citoyenneté et l’économie.
Sa thèse de doctorat en science politique a porté sur le genre et internet et a fait l’objet d’un livre TIC, colonialité, patriarcat – Société mondialisée, occidentalisée, excessive, accélérée… quels impacts sur la pensée féministe ? Pistes africaines, 2017.
Luis Pizarro Carrasco est doctorant en histoire contemporaine à l’Universitat de Barcelona. Il prépare une thèse intitulée ; Mujer y familia en la construcción de la ciudadanía durante la institucionalización del Estado liberal español (1834-1845) (Le femme et la famille dans la construction de la citoyenneté pendant l’institutionnalisation de l’État libéral espagnol (1834-1845)).
Reine Prat est agrégée de lettres. Elle a été conseillère artistique à la Ville de Marseille. Elle a dirigé l’institut français de Marrakech. Inspectrice générale de la création artistique au ministère de la culture, elle est l’autrice de deux rapports pour l’égalité des femmes et des hommes dans les arts du spectacle. Elle a été directrice régionale des affaires culturelles en Martinique.
Émilie Renard est directrice du centre d’art contemporain La Galerie, à Noisy-le-Sec depuis 2013 où elle collabore régulièrement avec des curatrices ou curateurs invités, dernièrement Maud Jacquin et Sébastien Pluot (en 2017), Vanessa Desclaux (en 2016 et 2017) et prochainement avec Elise Atangana. Elle a enseigné à Lyon et à St Etienne. Elle a cofondé la revue Trouble (2002-2010) avec Boris Achour Claire Jacquet et François Piron puis avec Guillaume Désanges. Elle a été membre de Public, un lieu d’art indépendant à Paris (2001-2006) avec Aurélie Voltz et Giovanna Zapperi.