Évènement

Les utopies de la cyberculture

Jeudi 15 mai 2003 à 19h

La cyberculture a exprimé à la fois les enthousiasmes et les appréhensions liées à la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

Le web, la familiarité des réalités virtuelles et les nouveaux médias numériques ont contribué à la diffusion de masse de pratiques technologiques autrefois réservées à une élite de savants. Selon Michel Maffesoli, « ces pratiques ont surtout donné une impulsion à l’imaginaire d’un nouvel idéal du corps: désincarné, joussif, branché, perpétuellement améliorable et habitant un cyberespace paradisiaque ».

 

Que reste-t-il du corps virtuel : entre rhétorique et utopie, la corporéité de la cyberculture des années 1990.

A la fin du 20ème siècle, la « cyberculture » a exprimé les enthousiasmes et les appréhensions liés à la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Le Web, les Réalités Virtuelles et les nouveaux médias numériques ont contribué à la diffusion de masse de pratiques technologiques autrefois circonscrites à une élite de savants. Surtout, ils ont donné une impulsion à l’imaginaire d’un nouvel idéal de corps. Un corps-avatar désincarné, jouissif, branché, perpétuellement améliorable, habitant un cyberespace paradisiaque, lieu de sociabilité harmonieuse.
Réverbéré par les magazines, les communautés en ligne, les oeuvres d’art, les jeux vidéo, les films, les émissions télé et même les albums de musique pop, ce nouveau corps a proliféré, il a été partout pendant une décennie. Est-ce que cela a suffi à installer dans notre imaginaire le mythe de la régénération du corps par les nouvelles technologies ?
Pour Michel Maffesoli, l’appropriation quotidienne des technologies et leur utilisation tribale est le signe d’une synergie en acte de l’archaïsme et du développement technique. Les technologies maîtrisées deviennent vivantes, en quelque sorte, et ré-enchantent. Les parures, la customisation du corps, le piercing, les tatouages sont autant d’indices, pris au sérieux par leurs porteurs, que le virtuel, l’ajout, l’extension ne sont pas de simples simulacres.
Pierre Quéau s’interroge sur ce que la cyber culture a changé dans notre perception du corps. Est-ce une simple mode ou une réelle coupure épistémologique ? Il propose quatre innovations majeures : 1) le corps d’emprunt que permettent les jeux vidéo, l’incarnation du joueur dans un personnage de plus en plus complexe ; 2) le corps augmenté, c’est-à-dire l’ajout de périphérique au corps comme les machines des chirurgiens ou les viseurs des pilotes de F-15 ; 3) le corps interactivé, lorsque le corps devient lui-même une forme de support utilisable (comme carte ou comme plate-forme d’information) ; 4) le corps connecté, que ce soit physiquement ou mentalement, à d’autres corps ou bien à un réseau. Il conclue de ces inédites formes d’expression une coupure épistémologique ; le langage, qui décrivait et signifiait de l’extérieur, vient s’inscrire dans notre corps et celui-ci supporte désormais les informations.
Antonio Casilli propose que le bref été de la cyberculture s’est peut-être terminé avec le crack boursier de janvier 2001, et plus encore avec le brusque réveil du 11 septembre de la même année. Mais il est plausible que l’utopie de la régénérescence corporelle ait relevé d’une exigence profonde de palingénésie – exigence que les paradigmes traditionnels du corps n’arrivaient plus à satisfaire. Pourvu qu’il ait eu le temps de s’installer en véritable paradigme, est-il vrai que le corps virtuel pèse désormais sur notre idée de  » forme  » humaine, comme le veulent certains, l’entraînant sur des terrains nouveaux – « trans » ou « post »-humains ? Ou bien s’agissait-il d’une mode passagère, d’un rêve partagé par une génération désormais vieillie ?
Stéphane Hugon relève le paradoxe fondamental du cyber corps, un corps à la fois présent et absent. Cette double affirmation fait du cyberspace quelque chose comme un moratoire, un univers propice à l’expérimentation, où les choses sont à la fois présentes et réelles tout en étant sans conséquences. On s’y essaie des personnalités, voire des vies parallèles, on y fait vivre toutes formes de fantasmes, de sorte que la virtualité réalise, finalement, la mise en forme d’un imaginaire commun – du partage, de la communication -, ce par quoi conclue aussi Michel Maffesoli : en un sens, il n’y a de réel que s’il y a de l’irréel.

Michaël V. Dandrieux

Intervenants

Philippe Quéau
Antonio Casili
Stéphane Hugon

Date
Horaire
19h00
Adresse
Fondation Pernod Ricard
1 cours Paul Ricard
75008 Paris
Entrée libre
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