La puissance du spectacle
Partant du constat que la politique spectacle est devenue politisation du spectacle avec l’émergence de personnalités comme Silvio Berlusconi en Italie et Arnold Schwarzenegger en Californie, le débat portera précisément sur le jeu des apparences dans la vie politique et ses conséquences.
Le 25 septembre à 18h30, la Fondation d’Entreprise Paul Ricard et Michel Maffesoli acceuillaient Pierre Musso, professeur à la Sorbonne, Vincenzo Susca, sociologue à Rome et auteur du livre « A l’Ombre de Berlusconi », Caroline Caldier, journaliste à Radio France et Stéphane Hugon, chercheur au CEAQ, autour du thème « la puissance du spectacle ».
La grande question que pose le rapport du politique au spectacle, propose Vincenzo Susca, est peut être : quelles sont les formes de l’imaginaire social dont témoigne cette spectacularisation du politique ? Le politique a du se maquiller et s’approprier les imaginaires dont il n’était pas coutumier pour faire face à sa perte de centralité. Et il est désormais délicat de distinguer un discours politique tout court d’un discours spectaculaire. Tout le monde s’en souviendra : la question centrale qui était posée aux électeurs américains pendant les présidentielles, était : « Achèteriez vous une voiture d’occasion par ce candidat ? ». Aujourd’hui, même si peu ont le courage de l’admettre publiquement, la question qu’on pose au public, et non plus aux citoyens, est « Ce candidat vous est-il sympathique ? Est-ce qu’il arrive à mobiliser vos émotions ? ». On assiste donc au passage de la persuasion des citoyens à la séduction du public, parce que le politique a bien compris qu’il n’est plus le cœur et au cœur de la vie sociale.
C’est pourquoi aujourd’hui la politique se donne comme forme et sous forme de spectacle. C’est-à-dire qu’elle a renoncée à la pesanteur de ses contenus, de ses langages et de ses idéologies pour établir un rapport avec le social et pour rejoindre et maintenir le pouvoir. L’unique voie qui lui aurait donné la possibilité de gouverner était utiliser ou, mieux encore, se déguiser comme substance spectaculaire. Faire vibrer le corps social et investir sur ses émotions.
Le politique a pu survivre et continuer à gouverner grâce à cet astucieux déguisement spectaculaire. Les technologies de l’imaginaire témoignent bien de ce passage. Si on regarde, pour exemple, le blog, on voit bien quelle forme emblematique de la socialité postmoderne il est. Par ses flux info-émotionnels, les formes de savoir et de conversation qui s’y manifestent, les connexions horizontales et tribales, on peut saisir toute la dimension transpolitique de la vie quotidienne dans la postmodernité. Dans cette forme techno-sociale il y a la manifestation mure de la puissance du spectacle, ainsi que le passage de la politique spectacle à la politisation du spectacle, lorsque finalement le social, comme Maffesoli l’a écrit, renonce à se faire répresenter, et commence à se présenter d’une façon même impertinente.
A ce propos Berlusconi, Scwharzenegger et tous les autres populistes sont seulement des ruines, les signes du passage de la démocratie aux communicraties. Leur arme est souvent un charisme puissant, et l’expérience de Caroline Caldier qui a couvert les dernières élections nationales italiennes en témoigne, elle avoue avoir été impressionnée par Berlusconi et sa capacité à générer de la fascination, antagoniste ou dévouée. Ces personnages sont finalement aux confins de ce passage entre politique et spectacle, mais ils ne peuvent pas et ne veulent pas le rendre possible. Ils sont en quelques sorte les objets de leur propre jeu, et les marionnettes obligées du théâtre qu’ils ont construit, qu’ils animent et qu’ils habitent, qui est leur palais, et qui est leur prison.