Orient-Occident
En introduction Michel Maffesoli rappelle la place des initiations chez ceux que l’on appelait les » sauvages « .
La connaissance communautaire valorise l’archaïsme de la fraternité. La postmodernité engendre un changement de topique. Dans les relations sociales, on retourne de la verticalité à l’horizontalité.
Pierre Le Quéau fait ensuite deux observations : le retour à soi permet d’entretenir une dynamique identitaire et ce retour se fait dans une recherche au-delà de l’opposition Orient/Occident.
A son tour, Bruno Etienne pose en préambule le droit à la schizophrénie personnelle : franc-maçon et anthropologue.
L’andersonisme1 :
Lorsque certaines loges anglaises se réunirent en Grande loge, elles confièrent à un pasteur écossais James Andeson la rédaction d’un livre des Constitutions contenant à la fois l’histoire légendaire de la fraternité et les obligations des francs-maçons. Il fut publié en 1723. Tout porte à croire que c’est un Français, Désaguliers, physicien, mathématicien, ami de Newton et membre de la Royal Society, qui en fut le véritable auteur.
Le scientifique peut-il penser l’autochtone qu’il est ? L’anthropologue peut-il penser le franc-maçon qu’il est ? Bruno Etienne se retrouve face au refoulé du franc-maçon, le refoulé andersonien et le progressisme. Qu’est ce qu’une histoire plus fausse que la vraie ? Quand on croit vraie une histoire fausse, cette croyance n’est-elle pas vraie dans ses effets?
Revenant sur son passé il raconte dans quel esprit il a participé aux premiers gouvernements algériens d’après l’indépendance : pour faire la révolution socialiste. Il écrivit à cette époque un livre intitulé : L’Algérie comme montreur de conduite du tiers-monde. Il assista au rapatriement du corps de l’émir Abdel Kader (âme de la résistance algérienne à l’occupant français de 1832 à 1947). Abdel Kader était franc-maçon et Bruno Etienne en étudiant son parcours rencontre le soufisme. Travaillant à cette époque à la sédentarisation des nomades du Sahara, il remarqua que les musulmans dans le désert tracent pour la prière dans le sable des formes orientées. Il fit le rapprochement avec les dojos, les églises, les mosquées ou les temples maçonniques qui sont tous orientés. En travaillant sur les religions populaires il découvrît des constantes anthropologiques qui mirent à mal son positivisme. Le chamanisme marocain, la mythologie grecque semblent selon lui se répondre sous certains aspects. Le détour anthropologique lui apporte des réponses sur sa propre identité. De retour en France, il réfléchit sur son état de franc-maçon à l’aide de l’antipsychiatrie de Deleuze et Guattari, sur l’ethnopsychiatrie de Devereux, sur Girard et Eliade, en bref sur l’archétype. Tous ont des rituels.
Il fait observer que sa propre spiritualité, la franc-maçonnerie, a oublié l’initiation. L’Occident a voulu créer une société scientifique idéale sans maîtriser d’abord ses problèmes d’ego.
La pratique initiatique veut construire le temple intérieur,
Les rituels de transformation intérieure sont trop limités dans la franc-maçonnerie. Il y a là trop de politique et pas assez de rituels. La confrérie doit se recentrer sur ces activités.
Il s’oppose aux francs-maçons qui voient en elle un simple club de gentlemen. C’est en cela qu’elle est une chance pour l’Occident, en tant que spiritualité non issue des confréries religieuses, en tant que société initiatique.
Dans le débat, il signale la fatuité de certains débats politiques au sein des loges. Que les fraternités décident à X voix contre Y qu’ils sont pour ou contre l’euthanasie n’apporte rien, ne change rien au problème. Le vote démocratique dans cette logique n’a pas sa place. La franc-maçonnerie doit être progressive donc elle est, au moins pendant un moment, inégale. C’est un » métal » au sein maçonnique qui n’a pas sa place dans un processus initiatique.
Charles XX, spécialiste de la franc-maçonnerie, lui rétorque que la franc-maçonnerie ne naît pas dans quelque orient lointain mais dans l’Angleterre du XVIIIème siècle et que sa dimension ésotérique ne se développe qu’au XIXème siècle. Il n’y a pas pour lui d’initiation, la maçonnerie est un club qui a inventé le droit de s’associer pour s’associer.
Bruno Etienne répond en disant que l’absence d’histoire écrite avant le XVIIIème siècle ne signifie pas qu’elle n’existe pas. Citant Lévi-Strauss, il rappelle qu’en fixant les traditions orales dans l’écrit, on a de fait créé des gardiens de l’orthodoxie. Il revient à son expérience d’anthropologue qui lui a permis, sur le terrain, d’observer des récurrences dans les différentes mécaniques d’initiation. Le détour par l’Autre lui permet de mieux saisir, dans sa société initiatique, ses propres valeurs.1 NAUDON P., La franc-maçonnerie, PUF, 1988, p29
2 Allusion au théorème de Thomas : » Quand les hommes définissent des situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs conséquences « .