Évènement

Valérie Mréjen

Mardi 19 avril 2005 à 19h

À travers ses vidéos comme à travers ses livres, Valérie Mréjen (née en 1969) a inventé un style reposant sur la plus extrême concision. Ses vidéos constituent un chapelet de brèves saynètes, parfaitement construites, qui tournent le dos à l’effet de réel et au dogme du « naturel » pratiqué par la télévision.

Le scénario en est toujours très simple et les dialogues réduits à l’essentiel : « Un petit garçon rentre de vacances. Autour de la table de la cuisine, sa mère l’interroge sur son séjour » (Toni et Etienne, 1997) ; « Une mère donne des conseils de beauté à sa fille adolescente » (Michèle et Aurore), etc.
De même, la romancière se distingue par son minimalisme. Qu’il s’agisse de Mon Grand-père (1999), de L’agrume (2001), ou du dernier de la trilogie, Eau sauvage (2004), ses livres frappent par leur caractère ramassé, leur brièveté. Dans ses films comme dans ses livres, Valérie Mréjen se rapproche d’une forme qui évoque la déposition d’un témoin ou d’un criminel. Sa méthode de travail se résume en deux mots : condenser et raccourcir.
Depuis peu, l’artiste s’est engagée dans la voie du documentaire. Elle prépare également un long métrage. Comme beaucoup d’artistes aujourd’hui, qui passent sans difficulté d’un champ esthétique à un autre, Valérie Mréjen considère, en effet, que les frontières entre les disciplines sont poreuses. C’est ce sujet qu’elle abordera lors des prochains Entretiens sur l’art en compagnie de Laurent Goumarre, critique d’art, lui-même à la frontière de plusieurs domaines : les arts plastiques, la danse et la littérature.

 

Catherine Francblin (CF) : Laurent Goumarre est journaliste, critique d’art et critique littéraire à ArtPress, Producteur d’une émission sur France Culture « le chantier » et conseiller artistique pour le festival de Montpellier de danse. Il couvre donc différents champs artistiques, de la danse aux arts plastiques en passant par la littérature et le cinéma. C’est à ce titre qu’il accompagne Valérie Mréjen pour cet entretien.
Valérie Mréjen (née en 1969) est ici au double titre d’artiste plasticienne (vidéaste, elle a créé aussi des pièces sonores) et de romancière.
De la vidéaste, on a pu voir le travail dernièrement à la galerie Cent8.
De l’écrivain, on connaît Mon Grand-père (1999), puis L’Agrume (2001), et récemment Eau Sauvage (2004). Ce sont des livres très brefs, mais dont les ventes (17 000) laissent penser que Valérie Mréjen est peut-être plus connue comme écrivain que comme plasticienne.
La première chose que j’aimerais abirder est la relation entre l’art et la littérature qui forment, chez elle, un couple parfaitement harmonieux. Ces deux activités fonctionnent en effet sur les mêmes ressorts, semblent avoir les mêmes objectifs, mettent en scène le même type de situations dans des environnements semblables, manipulent les mêmes tempos, font une utilisation assez proche du langage. Ses films et ses livres reposent sur la plus extrême concision. La méthode paraît simple : elle se résume en deux mots : condenser et raccourcir.
Valérie Mréjen dit aussi vouloir se rapprocher de la forme de la déposition, celle d’un témoin, d’un criminel, terme que Laurent Goumarre discutera tout à l’heure pour l’employer dans un autre sens.
Les vidéos sont de courtes saynètes parfaitement construites. Elles tournent le dos à l’effet de réel et au dogme du naturel pratiqué par la télévision. Le scénario est toujours simple et les dialogues réduits à l’essentiel : « Un petit garçon rentre de vacances. Autour de la table de la cuisine, sa mère l’interroge sur son séjour » (Toni et Etienne, 1997) ; « Une mère donne des conseils de beauté à sa fille adolescente » (Michèle et Aurore).
De la même façon, la romancière se distingue par son minimalisme.Valérie Mréjen sait camper une situation en trois lignes. Elle joue beaucoup des silences, de ce qu’elle ne dit pas et dans cette absence réside autant d’informations que dans trois lignes de texte.
A travers ses vidéos (jusqu’aux dernières composant la série « Dieu ») comme à travers ses livres (une trilogie), Valérie Mréjen a inventé un style. Elle a créé un univers, avec ses personnages (des jeunes gens à l’air sombre, aux gestes lents, habillés de noirs, calmes, qui parlent peu…) avec ses décors (très dépouillés : une table, une chaise, un verre sur la table).

Cet univers a évolué dans ses dernières vidéos autour de la religion, notamment. On se demandera justement s’il s’agit d’une évolution ou d’un tournant. Depuis peu, l’artiste s’est également engagée dans la voie du documentaire. Elle a aussi réalisé des oeuvres sous forme de phrases diffusées dans le tramway pour la ville de Bordeaux. Actuellement, elle prépare un long métrage.
Je voudrais d’abord demander à Valérie Mréjen si elle établit une différence entre ses deux pratiques. Beaucoup d’artistes aujourd’hui passent sans difficulté d’une discipline esthétique à un autre, n’établissant pas de hiérarchie, considérant que les enjeux sont identiques, même si la matérialité des différents médiums implique de les aborder différemment.
Valérie, établissez-vous une différence entre le travail plastique et le travail littéraire ? Pensez-vous que les frontières entre ces disciplines soient poreuses ou qu’il existe une différence entre ces 2 approches ?

VM : Il y a certes une différence, mais ce n’est pas un problème de passer de l’une à l’autre. Je l’ai toujours pratiqué. Cette pratique fait partie de ma formation. Car, travailler à la fois la photo et la vidéo, est plus une question de choix, de cohérence et de lien entre ce que l’on a envie de raconter. Après ma formation à Cergy, j’ai commencé à écrire et j’étais très loin d’imaginer que je pouvais le faire. C’est un concours de circonstance. Quand je résidais à Glasgow, j’ai commencé à écrire « Mon grand père ». J’étais loin et j’ai cherché à me rapprocher de choses familières : de l’enfance, la naissance.
Mes premiers travaux plastiques sont des séries de cartes postales qui datent de 1987.
J’ai relevé dans l’annuaire de Paris les noms de gens qui voulaient dire quelque chose. Ce fut un travail fastidieux mais j’ai trouvé beaucoup de noms et je me suis alors rendu compte qu’en les juxtaposant je pouvais écrire des messages. Dans ce travail, je ne m’intéressais pas à l’image de la carte postale, j’ai même cherché des cartes en ne m’intéressant qu’au recto. Plus tard, j’ai réutilisé les mêmes messages en cherchant cette fois des images qui pouvaient correspondre. Ensuite, j’ai réalisé une série de noms contraires (Beau/Moche).

CF : C’est intéressant de voir ces travaux parce que l’on se rend compte que la suite du travail prolongera ce côté très enfantin, ce jeu avec les mots que vous développez dès les débuts.

VM : Oui, je pense qu’il y a déjà la recherche de quelque chose à sens unique qui est finalement, très concis, très ramassé : un style télégraphique qui ne s’embarrasse pas de longues phrases. La carte postale est un moyen de communiquer pour dire que tout va bien, sans plus.
J’ai ensuite réalisé d’autres séries, il y a eu « Les petites annonces », comme celles qu’on pouvait lire à l’époque, plus ou moins explicites ainsi que « La liste par thèmes », « Les saisons ». J’y ai travaillé pendant deux ans et cela a commencé à devenir suffoquant. J’en ai vu assez vite les limites ; il était alors temps de passer à autre chose. J’ai alors eu envie de rédiger mes propres textes, encore sous forme de formules, d’un parlé social commun à tous, tourné en dérision et remis en scène dans des vidéos avec des acteurs : « Une noix », « Mère et fils dans la cuisine « (Toni et Etienne) et « Mère et fille » (Michelle et Aurore)

CF : Ces vidéos dépeignent un univers assez cruel, dans lequel les mères et les grand mères sont des femmes castratrices. Laurent, comment interpréter la relation entre ces vidéos et Mon grand père que Valérie a écrit à très peu d’intervalle ?

LG : Le procédé utilisé par Valérie Mréjen dans ces vidéos est extrêmement violent. En regardant sa production au début, on découvre qu’elle s’attaque au nom de famille. La découpe du nom de famille dans l’annuaire est une violence physique qui peut nous faire penser au corbeau, à la lettre anonyme. Cette violence nous fait également penser à une certaine période dramatique de notre histoire : la référence aux noms juifs.

La famille est au centre du travail de Valérie. Elle la décline plus tard dans la vidéo de sa tante, par exemple, qui parle de « ses larmes de sang » ou encore dans ses livres. La première page de Mon grand-père est une hécatombe : tout le monde meurt. On peut alors penser que la famille est la cible du travail de Valérie Mréjen mais, en fait, je pense que cette famille est le sujet écran de la violence qui l’anime.
La mise en scène des couples familiaux dans ses vidéos est intéressante à analyser. Sa première vidéo montre un homme qui s’adresse aux spectateurs dans un monologue. Le dispositif initial de ce travail met en oeuvre un jeu de comédien, une fiction et un cadrage.
Ensuite, viennent trois vidéos, qui sont des couples familiaux fictifs, dominés par la présence des femmes. A chaque fois, on retrouve la figure maternelle et elle prend la parole en premier. Il est intéressant de noter que la figure paternelle n’apparaît pas, même quand elle filme sa famille. Le père est absent. Donc, pour la fiction (avec les femmes), Valérie Mréjen utilise la vidéo. Lorsque qu’elle entre dans l’auto-fiction, avec l’image du père, elle choisit la littérature ( Mon Grand-père).

CF : Dans Les larmes de sang , une femme de votre famille monologue. Raconte t-elle sa propre histoire…

VM : Oui exactement. J’ai travaillé avec elle de façon différente que dans les précédentes vidéos. Avant, j’écrivais un texte très précis que je mettais en scène chez moi ou chez des amis et que je tournais en une fois, sans répétition. Dans Les larmes de sang, il s’agit d’une de mes tantes. Elle me faisait rire quand elle racontait des anecdotes de façon très imagée sur son mari. Je l’ai laissée se mettre elle-même en scène. J’ai travaillé avec elle comme si elle était actrice. Elle s’est prêtée au jeu et m’a raconté toute une série d’histoires tragico-comiques. Après, j’ai eu envie de poursuivre cette expérience avec des amis et leur ai demandé de raconter un souvenir. D’ailleurs Laurent y a participé.

LG : Oui, j’ai raconté un souvenir d’enfance, en plusieurs prises, et au fur et à mesure on se retrouve dépossédé de son histoire. On appelle ça un portrait filmé. La seule recommandation de Valérie Mréjen pour réaliser ces portraits est de ne penser à rien. C’est un effet d’extériorité total.

VM : Dans l’effet de répétition, j’avais vraiment envie que les gens soient à la lisière de leur histoire, qu’ils la récitent presque de façon mécanique. J’ai essayé de rechercher un état entre la spontanéité et l’automatisme, jusqu’à ce que l’histoire se réduise à quelque chose de très factuel.

CF : Donnez-vous une contrainte de durée aux personnages pour qu’ils présentent leur histoire ?

VM : Je voulais que ce soit assez bref, intuitif, que cela n’excède donc pas une minute.

CF : Dans les conventions, de la vidéo aussi bien que du cinéma, il y a un cadre semblable à celui qui encadre l’image sur une photo. On retrouve autour de vos images comme un espace avec lequel on a l’impression que vous jouez. Dans vos films, les textes arrivent tout de suite et se terminent brutalement.

VM : Pour moi, il est très important de laisser quelques secondes de noir entre chaque prise, c’est comme de laisser des lignes blanches dans les textes.

CF : Pourquoi avez-vous commencé votre travail littéraire par Mon grand-père ?

VM : Le lien à la famille, les rapports entre les gens m’intéressent. L’étincelle de départ fut une conversation avec un ami, à Glasgow. On parlait de nos histoires de famille et j’ai réalisé que je racontais une série d’horreurs absolues. J’ai alors trouvé intéressant de condenser l’histoire de ma famille du côté de mon grand père et d’y atteindre un niveau comique.

CF : Le tout début de Mon Grand-père est effectivement assez drôle tout en étant absolument tragique. Il produit un effet comique dans l’esprit des Deschiens, qui est d’ailleurs votre littérature préférée !

VM : À l’époque, les Deschiens passaient à la télévision tous les jours et c’était un tel bonheur !

LG : Le ton recherché par Valérie Mréjen est celui de la déposition, un terme qui m’a intrigué car il définit pour moi le travail d’épuisement. La déposition est un acte qui vide l’espace ou quelqu’un. Chez Valérie Mréjen, l’idée est de vider la personne de son histoire pour faire un portrait. La forme du travail de Valérie Mréjen est l’expansion.

CF : Dans son travail, Valérie Mréjen joue sur la répétition. C’est une platitude volontaire qui peut faire penser à Marguerite Duras. On retrouve également dans son travail des similitudes avec Michel Leiris qui raconte ses souvenirs d’enfance et qui était très sensible aux mots. Dans les références littéraires, je voulais savoir si Nathalie Sarraute avait joué un rôle pour les mots qu’on entend, les lieux communs, les choses qui reviennent en permanence ?

VM : Oui, Je pense aux Fruits d’or qui met en scène la coque du langage dans tout ce qui est social. Je m’intéresse à cette parole vide de sens, mais je ne pense pas à Nathalie Sarraute comme une référence immédiate.

CF : Quels sont vos références principales dans le domaines des arts ?

VM : Je me sens proche de réalisateurs comme Pialat, Ozu, Eustache. D’ailleurs, chez Jean Eustache, on retrouve un rapport très fort au souvenir, au vécu, au langage et également à la famille, à la communauté d’amis. Il veut faire rejouer le souvenir. Je pense au film avec sa grand mère n° 0 qui déroule sa vie d’une manière condensée avec une juxtaposition de souvenirs dramatiques accompagnés d’une objectivité très forte.

CF : Il me semble que l’on pourrait faire une exposition autour de la question de la famille. Ce thème est effectivement récurrent chez les artistes et les cinéastes. Je pense à Eija-Luisa Athila, Salla Tikka, Joël Bartoloméo, Alice Anderson. Par ailleurs, vous sentez-vous proche de Sophie Calle ?

VM : Oui, par les thèmes communs que nous abordons et ce rapport au texte, aux histoires d’amour aussi. Pourtant, nous avons des points de vue différents. J’ai l’impression d’avoir besoin de me mettre en retrait absolu des choses alors que Sophie Calle entre dans la vie des gens. Elle provoque des occasions, des situations étranges, contrairement à moi qui vit les choses, les réordonne, les met en scène.

CF : Nous allons regarder un dernier portrait filmé, et puis nous aborderons la question du père. Ici c’est une fille qui parle de son père, lequel n’est pas très sympathique. Une mère castratrice et un père qui ne veut pas du fiancé : nous sommes dans une situation bloquée, est-ce ainsi que vous concevez la famille ?

VM : Non, ce n’est pas comme cela que je la conçois, mais ces situations m’intéressent car là où il y a des difficultés se construisent des histoires qui sont loin d’être anodines.

CF : Vous interrogez ces personnes, vous ne leur dictez pas leur texte ?

VM : Effectivement, mais tout dépend des cas de figures. J’explique à la personne que je veux qu’elle raconte un souvenir, le premier qui lui vient à l’esprit, par exemple. Malheureusement, ça ne fonctionne pas à chaque fois.

CF : Dans Eau sauvage, le père vous parle. Il s’agit d’une sorte de long monologue, fait de brefs paragraphes qui s’enchaînent selon une logique fluide, mais de manière très rigoureuse. Cette forme du monologue est importante car le père parle et le récepteur du discours reste silencieux, laissant la parole du père se développer quasiment toute seule. Je trouve que les enchaînements sont très réussis : on avance en permanence. Il se passe énormément d’événements alors que le livre est très court
Voir par exemple pp.81-82 : d’un cadeau d’anniversaire on passe aux autres membres de la famille, puis au repas de famille, puis à la manière dont la fille s’habille. En permanence on glisse d’une situation à une autre.

VM : Effectivement, il y a trois axes de conversations avec mon père. En fait, j’ai toujours écrit avec cet d’esprit d’escalier, un mot fait penser à autre chose, mais il y a une structure : En effet, au début d’Eau sauvage la colère domine puis et très vite retombe, un état contraire s’installe. On assiste ainsi à une alternance permanente d’états différents. De sorte que la position des personnages n’est jamais radicale.

CF : On retrouve par ailleurs l’idée des cartes postales. Le père fait passer des messages courts : des messages sur le répondeur, des mots avec un cadeau, des cartes postales. Ce sont des discours simples et stéréotypés, mais il y a toujours un retournement sur la personne à qui le message s’adresse.

VM : En effet, il y a à la fois de la générosité et une grande maladresse. De plus, ce personnage ne fait aucun effort de formulation. Il ne cherche jamais de formules plus personnelles et ne veut finalement pas établir, un effort de rédaction, une vraie relation avec celui auquel il s’adresse.

CF : Beaucoup de gens s’expriment ainsi, pensant que, peu importe, l’essentiel est que les sentiments passent. Ce que je trouve plus drôle, c’est lorsque les parents font un compliment qui véhicule, en fait, une critique, un reproche.

VM : oui, c’est comme dans mes vidéos, il y a toujours une sorte de violence sourde, qui n’est pas affirmée comme telle et est donc très ambiguë.

CF : Ce qui est frappant également, c’est la manière dont vous effacez toutes les références sociologiques caractéristiques des personnages. Par ce procédé, tout le monde peut s’identifier aux personnages. Exemple de cette dépersonnalisation : il y a très peu de différence entre le père et la mère ; ce ne sont finalement que des parents.

VM : Effectivement, je trouve qu’il est important de ne pas trop donner de détails particuliers pour permettre une neutralité.

CF : Après Eau sauvage, vous avez réalisé la vidéo Dieu, ainsi qu’un documentaire autour des familles juives ultra orthodoxes. Comment êtes-vous passée de questions intimement liées à votre famille à ces familles religieuses ? et par quels moyens techniques ?

VM : Je suis partie avec ma caméra et j’ai écrit un projet de documentaire, produit ensuite par Arte. Mais si le thème de Dieu et du documentaire est très lié à un contexte religieux réel, il est aussi question de rupture et de refus d’être ce que les parents projettent. Le cadre qui m’intéresse est la coupure avec le paternel, avec les traditions, les interdits, la religion.
Au départ, j’avais peur que les lecteurs ne comprennent pas d’où venaient les personnages, je leur ai donc demandé d’expliquer leurs origines. Je me suis alors rendue compte que le documentaire était une forme très pédagogique.

CF : En fait, ces familles religieuses jouent un rôle plus affectif qu’institutionnel. Est-ce que vous voulez témoigner d’un échec de la transmission ?

VM : Les gens qui ont rompu avec leur milieu ont dû s’affranchir pour exister, mais ils souffrent d’un manque. Il ne faut pas chercher à diaboliser l’origine religieuse de ces gens.

CF : Laurent, vous qui vous situez à la frontière de la danse, de la littérature et des arts plastiques, comment envisagez-vous les relations interdisciplinaires chez Valérie Mréjen?

LG : Valérie Mréjen n’a pas une position initiale. Elle occupe une place, une identité dans chaque champ esthétique. Il n’y a pas dans son travail de contamination entre médiums, même si, à chaque fois, il existe des points communs dans la forme. Je ne parlerai pas de contamination entre les arts chez Valérie Mréjen mais de clivage.
La différence entre position et posture, se retrouve chez Deleuze. Dans son étude sur le conte et la nouvelle, il explique que dans le conte il est question de position d’un état intermédiaire, un état fragile qui attend une résolution de l’ordre de la découverte. Deleuze parle de la nouvelle comme d’une posture, quelque chose de déjà passé qui travaille sur le souvenir, la mémoire, donc de l’ordre du secret. Dieu est l’ultime secret.
En utilisant le plan fixe, Valérie Mréjen installe chacun à sa place : la petite fille ne veut pas que la grand-mère bouge et ces fixités créent un mouvement de nature cinématographique. Le cinéma anime le désir artistique de Valérie Mréjen. Si elle fixe, insère des espaces, laisse des blancs, c’est pour garantir un semblant de stabilité d’elle-même car elle n’a pas de position initiale. Dès le départ, il y a eu un déplacement, elle voulait faire du cinéma mais elle a fait une école d’art d’où sa posture instable. Son art est véritablement entre le cinéma et la littérature.

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Intervenants

Laurent Goumarre

Date
Horaire
19h00
Adresse
Fondation Pernod Ricard
1 cours Paul Ricard
75008 Paris
Entrée libre