Évènement

Virtuel mon amour (nouvelles technologies)

Jeudi 20 mars 2008 à 19h

Michel Maffesoli a choisi pour ce rendez-vous de l’imaginaire le thème « virtuel mon amour : penser, souffrir, aimer à l’ère des nouvelles technologies », titre du dernier ouvrage de Serge Tisseron, paru aux Editions Albin Michel.

Le débat s’appuiera sur la présentation de cet essai qui décrit comment l’essor des nouvelles technologies, présentes dans la plupart de nos expériences relationnelles au quotidien, influe sur notre mode de pensée et sur le rapport à soi et à ses proches, à l’autre, et finalement sur l’ensemble des façons d’« être ensemble ». Cette évolution dans les rapports humains fait aujourd’hui l’objet des travaux de réflexion des chercheurs du CEAQ, sous la direction de Michel Maffesoli, qui tentent une interprétation à partir de la notion d’imaginaire.

Ce débat qui réunira Serge Tisseron, psychanalyste, Delphine Le Goff, journaliste à Stratégies et Stéphane Hugon (chercheur au CEAQ*) proposera une analyse constructive des conséquences de ces nouvelles pratiques sur le désir et les relations humaines. En effet, si toute une génération semble se reconnaître avec facilité dans ces nouveaux outils, certaines questions restent entières.

Après avoir rappelé les travaux actuels sur Internet, citant notamment Federico Casalegno et Florient Dauphin, Michel Maffesoli revient brièvement sur les publications de Tisseron en donnant ses sentiments sur l’ œuvre :qu’est-ce que « penser aimer souffrir l’ère des nouvelles technologies » ? Pour Maffesoli il y a quelque chose de nouveau dans les nouvelles technologies, qui se réfère a la post-modernité : un réanchantement du monde. Par rapport au désenchantement lié a la technique, qui allait de pair avec la méfiance que l’on retrouve dans la pensée de Marx et Heideger (court-circuitage de la loi du père ?)

Cinq points sont ainsi relevés par Maffesoli concernant le rapport de l’individu au virtuel :

1. La question de l’identité en perpétuel mouvement (l’explosion des avatars, le rapport à Second Life) : c’est une césure par rapport à la modernité

2. Le lien des communautés qui se créent dans l’espace virtuel

3. Comment se guérir grâce à un jeu vidéo?, le rôle des images et le rapport de celles-ci avec l’individu

4. p55 « la réalité augmente », formule qui donne au virtuel toutes ses possibilités et justifie le sous titre du livre.

5. et enfin, la fonction initiatique qu’occupe le virtuel dans le développement de soi.

La présence du virtuel introduit une changement épistémologique : on est habité au plein de choses, alors que le virtuel c’est le rien, le néant. Il y a quelque chose de surréel dans la virtualité. C’est ce qui permet toutes les puissances de tout un chacun : Internet peut être la communion des saints postmoderne, et Internet devenir plus réel que le réel. Bien sûr cela nous entraîne dans un questionnement sur l’individu : on voit de la schizophrénie dès que l’on parle des multiples images de l’individu; tout le lien social porte sur l’in-dividu aujourd’hui

Delphine le Goff aborde la problématique de l’économie des réseaux sociaux, et les dangers que posent l’utilisation des données personnelles. Aujourd’hui, les réseaux sociaux n’échappent pas à la machinerie du mass-media et ce terrain devient le champs de bataille d’une guerre économique. Mais, les sites de socialisations sont victimes des effets de mode et l’on constate les premières baisses de fréquentation. Cela peut être expliqué un effet de lassitude par rapport aux sites, ce qui pousse certain services à réinstaurer le jeu (comme dans Facebook) pour introduire du divertissement. Mais c’est surtout le mélange des genres qui fini par être gênant : on mélange le professionnel et l’amical et les internautes finissent par ce sentir contraint d’accepter la professionnalisation de cet espace qu’ils considéraient comme privé. La conséquence se présente sous la forme d’un désintérêt de ces pages.Les profils ne sont pas pour autant fermés, ce qui s’avère parfois impossible (Facebook garde les données personnelles de manière indéfinie). La question des données laissées devient centrale. Récemment le patron de Facebook a présenté une solution d’hyperciblage de la publicité (opération de « balisage »), ce qui a entraîné une pétition de la part des internautes. L’ heure est à la désillusion parmi les internautes. Ils sont prêt a réagir (on assiste à des formes de guérilla sur Second Life qui s’attaque aux clients à la sortie des magasins virtuels).

Stéphane Hugon revient sur la question de la multiplicité de l’identité. Où est l’identité ? Dans l’espace virtuelle, elle est partout, c’est l’ensemble des identités que les gens endossent dans les différents espaces virtuels qu’ils occupent. Le fait d’avoir plusieurs identité permet d’échapper a une catégorisation. Il y a derrière l’idée de la relation : on trouve aujourd’hui un espace de surinvestissement des outils qui offrent une capacité relationnelle. Cette espèce de débordement dans la prévalence des relations de personnes à personnes sur Internet confirme une logique centrale dans les médias : des logiques de communications fortes avec des informations faibles. À chaque fois les sites 2.0 ne sont qu’un prétexte à un échange relationnel. Cela comble un manque, la relation sur Internet est primordiale. Les blogs ne fonctionnent grâce aux liens qui sont tissés avec les autres blogs (et meurent de saturation, quand il n’est plus possible d’avoir le sentiment d’une relation entre les individus). Facebook est en train de devenir le standard, et tout ceux qui viennent pour partager un secret, une esthétique se trouvent déçu par le site, et sont en passe de le quitter.

Serge Tisseron reprend les points énoncés par Maffesoli :

Sur les identités multiples, il faut garder à l’esprit la raison du succès d’Internet :la communication. Le fait d’avoir plusieurs identités permet de valoriser les différents aspects de sa personnalité, et chercher à savoir laquelle est la plus vendable (surtout au moment de l’adolescence). Donc plus les identités sont explosés, plus on a besoin des autres pour savoir laquelle mérite qu’on y loge le plus sa personnalité (identité multiple ne signifie pas personnalité multiple).

Sur les communautés il faut dédramatiser : Tisseron reprend l’exemple de la famille selon Tintin. Il se constitue une famille au cours des aventures, qui fini par loger dans le château. Elle est horizontale, centrée sur elle même, et homosexuelle. Sur Internet les gens cherchent aussi à se faire une famille, avec des enfants qui se cherchent des mentors (et peuvent trouver des menteurs), ou des parents qui cherchent des grands parents.

Guérir avec un jeu : si on y joue comme un espace symbolique (potentiel, avec des avatar que l’on utilise pour se construire des histoires). Il est possible de se créer un théâtre des vivants, voire un théâtre des morts ( retrouver des éléments de la vie de ses grands-parents ). C’est être capable de créer des figures symboliques, en jouer et en jouir. Malheureusement certain on fait le deuil des contenus, pour ne s’intéresser plus qu’aux interactions, et cherchent à corriger dans les espaces virtuels ses manques, et donc s’enfoncer dans le virtuel sans s’en sortir. Le virtuel est un troisième monde, caractérisé par le fait que tout soit vrai et faux à la fois. Les preuves du toucher peuvent être désirées, mais ne sont pas réalisables ( par opposition à l’imaginaire où le désir de toucher n’existe pas ). Pourtant tout nous incite à vouloir toucher dans la réalité ce que l’on y trouve.

Le virtuel, c’est surtout espace sans mode d’emploi, où chacun défini l’usage qu’il en a. La technologie est déterminée par l’usage, et l’usage est déterminé par l’engagement. C’est seulement au prix d’un tâtonnement et d’une expérimentation que l’on peut savoir quoi en faire.

Sébastien Dailly

CEAQ

 

Intervenants

Delphine Le Goff
Serge Tisseron
Stéphane Hugon

Date
Horaire
19h00
Adresse
Fondation Pernod Ricard
1 cours Paul Ricard
75008 Paris
Entrée libre